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L'Europe politique et de la défense (par Nicolas Gros-Verheyde)

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[Entretien] Alain Lamassoure : En cas de Brexit, les Brit’s privés de droit de vote… dès le 24 juin

LamassoureCommRulingSourire@PE160418(BRUXELLES2 à Strasbourg) La question d'un vote "Exit" au référendum britannique sur le maintien du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 23 juin, hante les couloirs européens aujourd'hui. Toutes les institutions européennes retiennent leur souffle, haletant sur le résultat des urnes outre-manche. Pour faire face, elles ont choisi la méthode de la taupe. Elles s'enterrent au fond du terrier, en se disant que çà va passer, et qu'il ne faut rien dire. Une erreur fondamentale selon Alain Lamassoure que nous avons rencontré.

Non, c'est non : dès le 24 juin !

Pour l'eurodéputé français UMP, cette situation n'est pas tenable. Il le dit clairement : « Si le Non l’emporte le 23 juin, dès le 24 juin, il faudrait indiquer que les représentants britanniques dans les institutions européennes ne participent plus aux prises de décision ». Une question légitime selon lui car cette consultation présente « au moins une chance sur deux d'être perdue », surtout de la manière « dont Cameron mène la campagne, multipliant les erreurs ».

Les représentants britanniques n'auront plus le droit de vote

Si on écoute Alain Lamassoure — qui ne semble pas être le seul à penser ainsi même s'il est des seuls à s'exprimer aussi clairement —, les représentants du Royaume-Uni au Conseil n'auraient plus le droit de voter pour se prononcer sur les sujets en cours. Ils continueraient de siéger mais à titre d'observateurs, par exemple, comme le sont les pays qui sont en cours d'adhésion, avant la ratification définitive de leur adhésion. Idem au Parlement européen pour les 73 parlementaires britanniques. « Je n'imagine pas qu'ils puissent se prononcer sur des sujets comme la directive sur le détachement, les questions fiscales, le Panama papers influer sur des textes qu'ils n'auront pas à appliquer. ... Ce n'est pas légitime. »

Une question taboue

L'ancien conventionnel européen s'étonne que personne ne se pose la question. « C'est surprenant que personne au Conseil européen, à la Commission européenne, au Parlement européen ne s'en soit soucié. Mais ils dorment donc ? » Officiellement, les services juridiques des trois institutions n'ont pas rendu d'avis... En pratique, les juristes ont commencé à plancher sur les différentes hypothèses, ne serait-ce que pour éclaircir ce que dit ou ne dit pas l'article 50 du Traité (Lire : Brexit ! Quelle procédure pour le retrait ? Quand est-ce applicable ?).

Garder le droit de vote : politiquement inacceptable

Certains (juristes PE) estiment que tant que le Royaume-Uni n'est juridiquement pas dehors, il n'est pas hors de l'Union européenne, et ses représentants peuvent voter. Cela signifie que les représentants britanniques votent durant la période de négociation du processus de sortie. Pour Alain Lamassoure, « juridiquement ce n’est pas aussi clair. Et, surtout, politiquement ce n'est pas acceptable » ! A ceux qui estiment que cela serait contre-productif et pourrait entraver la campagne référendaire, il rétorque : au contraire : « Nous devons le faire. Ce faisant nous rendrons service à ceux des Britanniques qui plaident en faveur du Oui à l’Europe. »

Un avis partagé mais mezzo vocce

Le dirigeant du groupe PPE, Manfred Weber, l'a expliqué vertement lors de la réunion de groupe mardi soir. « S’ils votent non, c’est non, et ils ne participent plus aux décisions » a-t-il dit en substance selon les propos, rapportés par Françoise Grossetête. Contacté par B2, le bureau de Manfred Weber n'a pas voulu confirmé ces propos. Mais il ne les a pas démentis non plus...

Une solution pas illogique...

Une solution pas totalement illogique selon nous et qui trouve des justifications, par parallélisme, dans les processus d'adhésion comme, par défaut, dans la procédure définie à l'article 50 du Traité qui fixe les conditions de sortie d'un Etat membre. L'Etat membre partant ne prend pas, en effet, part au vote sur la procédure de sortie. Il serait ainsi logique que cette solution écrite noire sur blanc s'applique à toute la législation débattue entre temps.

On en reparle le 24 juin !

Du côté de la Commission européenne, on joue la taupe. Interrogé par B2, le porte-parole en chef de la Commission, Margaritis Schinas, a répondu, non sans humour, sur un mode assez connu de la communauté journalistique à Bruxelles : « La Commission ne va pas spéculer sur les conséquences potentielles du référendum britannique. Faisons le point le matin du 24 juin ! »

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “[Entretien] Alain Lamassoure : En cas de Brexit, les Brit’s privés de droit de vote… dès le 24 juin

  • D’un point de vue juridique, la suspension du droit des députés européens britanniques constituerait une violation des traités, notamment au vu de l’article 50, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne. En effet, seule l’entrée en vigueur du traité de retrait peut constituer le point légal du départ d’un État de l’Union européenne.

    D’un point de vue politique, la solution proposée n’est tout aussi pas tenable. En effet, l’article 14, paragraphe 2, du Traité sur l’Union européenne dispose clairement que le Parlement européen est composé des représentants des citoyens de l’Union européenne, et non pas des citoyens des États membres de l’Union européenne. Distinction sémantique de taille ! Aussi, un député européen ne représente pas tant son pays que les citoyens européens résidant dans cet État membre. On rappelle, à ce titre, que des citoyens européens non britanniques (mais y résidant) ont pris part au vote de ces députés européens.
    En guise de comparaison, il convient de rappeler le sort des députés français de l’Alsace-Lorraine après l’annexion par l’Empire allemand en 1871. Ces derniers ont poursuivi leur mandat politique jusqu’à la fin de la durée constitutionnelle, puisqu’ils n’étaient pas députés d’une circonscription (qui avait cessé d’exister) mais des députés de la Nation.

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