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[Interview] Nous sommes prêts à prendre la présidence de l’Union (Janez Lenarcic)

(B2) À quelques semaines de la prise de présidence de l’UE par la Slovénie, j’ai demandé, tour à tour, au Premier ministre Janez Janša et son secrétaire d’État pour les affaires européennes Janez Lenarčič de nous exposer leur vision de ses prochains six mois

NB : Après la première partie de l’entretien (lire : Janez Jansa (Slovénie) : L’intérêt de l’Europe, que les Balkans adhèrent), voici la seconde partie de l’entretien

Les 27 sont tombés d’accord sur un nouveau traité européen, vous poussez un « ouf »de soulagement ?

— Dans une certaine mesure. Mais nous ne sommes pas sortis du bois. Après la signature en décembre, ce ne sera pas la fin, on n’est pas au début, mais au début de la fin. On pourra dire que ce sera terminé quand les 27 auront ratifié le traité. Notre rôle cela va être d’assister en douceur les pays dans cette phase de ratification.

Sous votre présidence vont s’effectuer les ratifications. Certains, au Parlement européen par exemple, préconisent de faire cette procédure de manière groupée, en un seul mois, par exemple. Qu’en pensez-vous ?

_  C’est très intéressant en principe. Mais on doit prendre en compte que les États membres ont, tous, des procédures de ratification différentes. Et il y a des différences considérables, d’un État à l’autre. Certains États peuvent le faire très rapidement. D’autres ont besoin de plus de temps, du fait de leurs procédures internes. Ce qui est important c’est que chaque État membre fasse le maximum pour démarrer la procédure aussi tôt que possible et de la façon la plus complète. Et qu’après la signature, on démarre immédiatement la procédure de ratification. Ensuite, à chacun de suivre son chemin.

Dans quelques semaines, vous prendrez la présidence, le premier État des douze nouveaux États issus de l’élargissement, vous n’avez pas d’appréhension, tout est prêt ?

— Nous sommes très conscient du défi, que représente pour notre pays, de deux millions d’habitants, de présider une Union européenne forte de 500 millions d’habitants, de 27 États membres, le plus grand marché unique de la planète représente. On s’y est préparé depuis des mois. Et on sera disponible pour être aussi efficace que possible, avec une bonne coopération des institutions européennes.

Justement comment votre État qui n’a que quinze ans d’existence va pouvoir assurer une présence dans le monde

—  Nous ne sommes pas seuls. La France nous assiste. C’est la règle fondamentale de l’Union qui veut que si la présidence n’a pas d’ambassade dans le pays, c’est le pays qui a la présidence suivante qui le représente. La Slovénie assure cette mission aujourd’hui pour l’Union européenne à Podgorica (Monténégro) et Skopje (Macédoine) au nom de la présidence portugaise de l’Union. La France assurera cette fonction dans plus de 100 ambassades dans le monde où la Slovénie n’est pas représentée directement. On est très satisfait de cette coopération.

Sous votre présidence, vous voulez accélérer l’adhésion des pays des Balkans ?

— Oui c’est une des plus importantes priorités. La Slovénie est frontalière avec ces régions. Et ces régions sont une part de l’Europe. C’est un fait clair pour nous. Pas seulement parce qu’il y a eu l’agenda fixé au conseil européen de Thessalonique en 2003. Il est à nouveau temps, pour nous de réaffirmer avec force cette possibilité. Notre message est : « votre place est dans l’Union européenne. Bienvenue. Mais vous devez faire votre part de l’effort pour avancer vers l’adhésion ».

Peut-on faire un ou deux packages pour ces adhésions ?

— Je ne crois pas à un passage en bloc. J’y crois d’autant moins que quand nous étions un pays candidat, nous étions contre. Nous ne soutiendrons donc pas un traitement par paquet. Mais nous pouvons, nous devons soutenir une coopération régionale. Au plus vite, au mieux pour être le plus rapide et le meilleur en avançant (Faster to be fast. Better to best to go line).

Et une date d’adhésion ?

— Je ne suis pas sûr de fixer une date pour le futur. Nous savons qu’ils ne remplissent pas tous les critères d’adhésion. Ce que nous pouvons faire : c’est augmenter l’assistance à ces pays. Pour les pays dont le rapport de la Commission européenne est bon, ce sera plus facile pour nous de faire quelque chose. Pour les autres, ce sera plus difficile. La présidence ne peut pas faire plus. Nous devons aussi les motiver dans ce chemin avec un message simple : you will be !

Le Kosovo, c’est plus compliqué ?

—  C’est très très difficile. Nous souhaitons vivement maintenir une ligne unique à l’Union européenne. Si l’Union se divise sur cette question, ce sera un très mauvais souffle, à tout point de vue, pour la politique de la défense, pour l’unité européenne…

(propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde pour Europolitique)


Janez Lenarčič en quelques mots

Né à Ljubljana en 1967, diplômé en droit, Janez Lenarcic occupe son premier poste, au ministère des Affaires étrangères en 1992, sur les relations économiques internationales. Il passe ensuite à la représentation permanente de la Slovénie aux Nations-Unies à New-York (1994 – 1999), puis devient conseiller aux relations internationales du Premier ministre. En 2001, il devient secrétaire d’État et participe aux travaux de la Convention sur la Constitution européenne. Ambassadeur à l’OSCE en 2003, il est nommé, en mai 2006, secrétaire d’État aux affaires européennes et a été, à ce titre, un des négociateurs (‘focal point’) du Traité de Lisbonne.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).