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La Suisse dans la PESD ? le “pavé” de l’ex-chef de l’armée suisse


(B2)L’ancien chef d’Etat-Major de l’armée suisse, Christophe Keckeis, qui a quitté ses fonctions fin 2007, vient de jeter un pavé dans la mare de la politique de sécurité suisse. Ancien pilote (sur Mirage III au départ), il fonce en piqué sur la défense suisse, trop sûre et trop repliée sur elle-même. C’est dans l’Hebdo ce jeudi, un excellent article de Pierre-André Stauffer, où il précise que la défense suisse doit évoluer, arrêter de “vouloir faire tout elle-même” et se rapprocher nettement de l’Europe de défense.

Pour un accord bilatéral UE-Suisse sur la défense
«Alors que la Suisse conclut ou cherche à conclure des accords bilatéraux avec l’Union européenne sur à peu près tout, elle n’a pas le culot d’en négocier pour sa sécurité.». “Ce qui m’intéresse dans l’UE, c’est qu’elle a un concept de défense”, explique Keckeis. La solution la plus simple pour la Suisse – continue-t-il – serait de trouver “une passerelle intelligente pour entrer à petits pas” dans cette Politique européenne de sécurité et de défense. Ce qui n’est pas facile à faire, les partis politiques (UDC et socialiste) étant en chamaille, note le journaliste. Du coup, Christophe Keckeis indique, en deuxième choix, des «négociations bilatérales avec un petit groupe de pays, nos voisins directs par exemple comme la France ou l’Allemagne, et autres partenaires de confiance…». La France a un petit faible chez lui. «Parce qu’elle a quelque chose qui ressemble à la Suisse.» Elle ne veut pas se laisser «avaler par un grand machin américain ou britannique». Elle a une «attitude très critique à l’égard de l’OTAN, mais sainement critique».

Investir dans la défense et les missions de paix…
Deuxième constat. Pour rester neutres, forts et exclusifs, il faudrait 4,8 milliards de francs par année, or on en est à 3,6. Nous sommes les plus faibles en Europe en termes de pourcentages de PIB investis dans la sécurité du pays, c’est la honte”, «la neutralité n’est pas une excuse pour ne rien foutre». Au contraire, la neutralité est «un avantage exclusif», un produit typiquement suisse, «qui nous permet d’aller partout» assèle Keckeis, qui n’a assurément pas sa langue dans la poche. Or, la Suisse n’investit pas assez sur les missions de l’ONU. Les effectifs envoyés sont à 2%, au-dessous des pays de l’Otan (2,7% alors qu’ils avaient promis 4%) et bien loin de l’Irlande dont le pourcentage, atteint 8,1% !

Ce qui suppose de revoir les conditions d’engagement à l’extérieur
L’ancien chef d’Etat-major critique ainsi les limites mises à l’engagement international par le Parlement national : pas plus de 220 hommes par an (250 dans les cas exceptionnels), «alors qu’il en faudrait au moins 500». Et surtout,aucune mission où un soldat risquerait d’y laisser sa peau. Ce qui est une erreur : «Engager des soldats sans envisager qu’ils puissent être tués est une erreur de principe». Il distingue bien ainsi le bourbier en Irak et les missions de paix. Le soldat qui «essaie de produire de la paix et qui tombe en faisant son boulot, c’est un peu comme le délégué du CICR qui risque sa vie pour sauver celle des autres». !

Les six points forts de l’armée suisse en coopération internationale
Entre chefs d’armée, «on sait quels sont nos points forts et nos points faibles, rappelle Christophe Keckeis, qui recevait régulièrement des coups de fil de ses homologues européens : «Mon gouvernement veut aller là ou là… Tu peux me filer un coup de main?». « j’ai toujours su ce que je pouvais proposer», commente-t-il, détaillant les six points forts de l’armée suisse:
1. La gestion de l’espace aérien, car la Suisse «a eu l’intelligence de gérer ensemble les espaces civils et militaires», alors qu’ailleurs c’est souvent la guéguerre entre les deux.
2. Le transport par hélicoptère.
3. La médecine.
4. La lutte contre les armes bactériologiques et chimiques, «car les terroristes ont compris que le procédé était meilleur marché qu’une bombe atomique».
5. Un savoir-faire dans la conduite, la programmation et la gestion.
6. Une capacité intellectuelle «extraordinaire» due au caractère milicien de l’armée (la fameuse armée de milice : conscription + rappel réguliert sous les drapeaux que Keckeis veut conserver). «Nous sommes l’un des rares pays qui peuvent trouver quelqu’un pour travailler dans n’importe quel job.»

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “La Suisse dans la PESD ? le “pavé” de l’ex-chef de l’armée suisse

  • René Schwok

    Un pétard mouillé

    Bonjour,

    il n’y a rien de vraiment nouveau dans l’interview de l’ancien chef
    d’Etat-Major de l’armée suisse, Christophe Keckeis. L’Hebdo a gonflé la baudruche. Il ne s’agit pas d’une “bombe” mais plus d’un pétard mouillé.

    La position du Conseil fédéral est connue depuis longtemps et que M. Keckeis ne fait que la répéter: voir ci-dessous, le site web

    http://www.europa.admin.ch/themen/00499/index.html?lang=fr
     
    “La coopération avec l’UE dans sa politique de sécurité et de
    défense (PESD) est d’une importance croissante.

     La Suisse participe actuellement, dans le cadre de la PESD, à trois opérations de promotion de la paix en Bosnie et Herzégovine ainsi qu’en RDC (République démocratique du Congo). Il faut y ajouter la participation, sous peu, de policiers et d’experts judiciaires suisses dans une mission civile PESD au Kosovo.

    Les conditions de la participation suisse aux missions PESD font toujours l’objet d’un accord ad hoc.

    En vue d’opérations futures, les modalités générales (…) pourraient être fixées dans un accord-cadre PESD.

    Un tel accord- cadre n’empêcherait toutefois nullement la Suisse de continuer à décider de façon autonome si elle souhaite prendre part à une mission PESD, à quel moment, où et dans quelle mesure elle souhaite le faire.
     

    René Schwok
    Chaire Jean Monnet, Institut européen et Département de science politique de l’Université de Genève

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