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L'Europe politique et de la défense (par Nicolas Gros-Verheyde)

Défense UE (Doctrine)

Réforme de sécurité: projets « sapin de Noël », beaux mais peu efficaces

(B2) C'était à un séminaire organisé par la présidence française de l'Union européenne, vendredi à Bruxelles. Plusieurs experts de la Commission, du Conseil, des Ongs, étaient venus plancher sur le soutien à la réforme des services de sécurité (SSR en jargon). Des considérations parfois banales, d'autres plus intéressantes. Notamment un expert du Conseil - sous condition de l'anonymat - a décrit certaines contradictions de ce type de réforme prônées par l'Union européenne. Direct. Brut de décoffrage

1° la planification : dire que le système SSR ne fonctionne pas, n’est pas conforme aux critères démocratiques, c’est très bien. Mais ensuite, qu'est-ce qu'on fait ? Pourquoi, comment cela ne fonctionne pas ? Les salaires impayés dans l'armée, ce ne sont pas seulement de vagues condisdérations politiques mais des problèmes précis à résoudre : organiser la chaine reporting et de commandement, la chaine de paiement, etc. C'est tout cela qu'il faut définir, organiser, mettre en place. Si les politiques doivent donner l'impulsion, le cadre, il faut ensuite des experts à même de traduire ces directives générales sur le terrain. (...) Pour cela aussi, il faut une base de données d'experts de la SSR. Et ensuite les entraîner. Pour que les concepts et procédures Ue leur soient connues. Et que l’expertise des experts soient aussi connues des structures UE. Il y a une réciprocité nécessaire.

2° La coordination. Vue de l'intérieur, la coordination est "assez compliquée" avec la Commission européenne. Au Congo, on a vu que ca pouvait être amélioré. Il faut réfléchir à de nouvelles étapes : pourquoi une mission Pesd ne pourrait pas être l’agent d’exécution d’actions décidées par la Commission européenne. Il faut aussi améliorer la coordination avec les autres acteurs. Il y a du travail pour tous. Il faut être réaliste. Tout le monde parle de coordination. Mais personne ne veut être coordonné. Les logiques bureaucratiques, pour ne pas parler de logiques personnelles, font que c’est difficile. (...) Il existe aussi des réticences – compréhensibles – du coté des Ongs à ne pas s’afficher aux cotés d’une mission présentée comme militaire. Mais il faut comprendre que pour éviter l’exaction par l’armée est de faire que les conditions de vie dans les unités soient meilleures – car les exactions sont souvent le fait des armées « officielles ».

L'appropriation locale (local ownership). C'est un problèmes plus politique : l'équilibre n’a pas vraiment été trouvé. Ma définition serait une « appropriation par les autorités locales
de propositions qu’on leur fait ». Mais on a affaire plutôt à une « appropriation par l'UE de proposations faites par autorités locales » sans se poser la question de savoir si ces solutions sont praticables et utiles.

L'armement des forces. On mentionne souvent qu'il "n’y a pas développement sans sécurité mais, en même temps, on estime que c’est « vilain » de financer le secteur militaire. Or il y a une réelle question de financement. Conseiller une ou deux  brigades et dire qu’on ne peut pas les équiper est contradictoire. Ces unités – une fois qu’on ne les a pas incuqléus les principes de droits de l’home – ne sont elles pas légitimes à avoir les moyens de leurs fonctions ?

Les projets "sapins de Noël". Il faut à chaque objectif un projet. Si on rajoute un peu de droits des l’homme, du gender equity... (sur un projet SSR), cela fait beau, c'est sûr. C'est comme des boules de Noël. Mais ce n’est pas efficace, car on arrive à un projet global lourd où chacun tire dans son coin. Un projet où on coche toutes les cases qui fera joli pour les conclusions du Conseil, est-ce que cela a une cohérence interne, je ne suis pas sûr. Il faut réfléchir, se concentrer sur quelques objectifs précis, sans doute plus modestes.

Ce à quoi un expert de la Commission a rajouté une autre remarque

La rotation trop forte des effectifs. Les missions justice-police basées sur le premier pilier (communautaires, Commission européenne) ont l’avantage de pouvoir rester plusieurs années, il faut du temps pour gagner la confiance et mener des projets localement. L'inconvénient des missions Pesd (2e pilier, Union européenne) est la rotation des effectifs. Rester 6 mois n’est pas efficient. Il faut réfléchir à une manière de faire autrement.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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