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L'Europe politique et de la défense (par Nicolas Gros-Verheyde)

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[Dossier N°09] Le Traité de Lisbonne : un lent accouchement

(B2) Le double "Non" par référendum des Français d'abord, des Néerlandais ensuite, sonne le glas de la Constitution européenne telle qu'elle avait été conçue par les membres de la Convention européenne. Très vite se fait sentir le besoin de mettre en place un nouveau Traité qui reprendra l'essentiel des "pièces" de la Constitution mais dans un cadre plus classique celui des Traités européens. La négociation s'avère cependant compliquée par les difficultés des uns (Français, Néerlandais, Irlandais...) et les manœuvres à retardement des autres (Britanniques, Tchèques et Polonais essentiellement).

la photo de famille du sommet de Lisbonne le 18 octobre 2007 (crédit : CE)
la photo de famille du sommet de Lisbonne le 18 octobre 2007 (crédit : CE)

Le 29 mai 2005. Les Français disent "Non" à la Constitution à 55%. Avec 69 % de participation, le refus est net. Trois jours plus tard, le 1er juin 2005, les Néerlandais confirment le "Non" à 61,5 %, avec 63,3 % de participation (ce qui aux Pays-Bas est un score pour le moins important). C'est un Lendemain de gueule de bois à Bruxelles.

Au Conseil européen, Jean-Claude Juncker qui assure la présidence dresse le constat de décès de la Constitution. « Nous constatons que la date du 1er novembre 2006 qui avait été initialement prévue pour faire l’état des ratifications, n’est plus tenable... Il doit y avoir une période de réflexion, d’explication et de débat ».

Le 10 juillet 2005. Les Luxembourgeois disent "Oui" avec 56,5 % des votants et 90,44 % de participation. Pour le principe...

La période de réflexion

Les 15 et 16 juin 2006. Au Conseil européen sous présidence autrichienne, les Chefs d'État et de Gouvernement décident de trouver une solution d'ici la fin 2008. Le deuil de la Constitution se termine, le temps des propositions s'amorce

Le 25 janvier 2007. Les pays qui ont dit "Oui" à la Constitution se réunissent à Madrid. La période de réflexion prend fin. Traité européen : la négociation recommence

La négociation d'un nouveau traité commence

Le 28 février 2007. Au comité des régions, Jacques Delors propose d’ajouter un nouveau protocole social au Traité, vers « une nouvelle Europe sociale ».

Le 25 mars 2007. Profitant de la célébration du 50e anniversaire du Traité de Rome à Berlin, la présidence allemande de l'UE entend pousser son avantage.

A la mi-juin 2007. La présidence allemande remet le projet de mandat pour l'ouverture de la CIG, la conférence intergouvernementale chargée d’aboutir à un nouveau traité européen.

Le 23 juin 2007, au Sommet européen, un projet d'accord est posé sur la table des Chefs d'État et de gouvernement. Un vrai travail d'orfèvre. Lire : Le combat des valeurs: protection sociale ou libre concurrence. De nombreux détails permettent un compromis. Lire : Au sommet européen. Quelques clés pour comprendre le nouveau texte

Le 23 juin 2007. Au second jour du sommet, la rumeur fuse et se diffuse dans les rangs des délégations et des journalistes présents. la concurrence « libre et non faussée » serait exclue des objectifs de l’Union européenne. Lire : Concurrence libre et non faussée : la réalité

Ce travail d'orfèvre, mené durant les dernières semaines, permet d'arriver à un accord. Lire : Le Traité de Lisbonne. Comment a-t-il été conçu ?

Une dernière course

Mi-septembre 2007. La dernière réunion des experts juridiques chargés de réviser le Traité européen se tient, le vendredi 13 septembre. Le travail des experts se termine, un nouveau texte imminent. Les Polonais ont un problème et le crient haut et fort. Le compromis de Ioannina et le complexe Polonais

17, 19, 21 septembre 2007. Les réunions se succèdent. Contrairement à l’impression médiatique, ce n’est pas la Pologne qui pose vraiment problème aux experts juridiques mais les demandes britanniques. Le hic est… britannique et retarde un accord

Le 2 octobre 2007. Un sms de la présidence portugaise informe que les experts juridiques des 27 ont un accord. Le travail sur les nouveaux traités européens et qu’un nouveau texte serait prêt incessamment (il sera rendu public). Ce qui clôt un cycle de discussions rondement mené. Lire : Les détails du compromis. Consulter le texte

Le 18 octobre 2007. Au sommet de Lisbonne, les chefs d'Etat et de gouvernement tombent d'accord sur le texte final du Traité.

Le 13 décembre 2007. L’Acte final du Traité est signé à Lisbonne

En décembre 2007. Au dernier moment, la république Tchèque se découvre une allergie à la Charte. Et une réserve de plus à la Charte des droits fondamentaux…

Le problème irlandais, la valse hésitation tchèque et polonaise

Le 12 juin 2008. Les Irlandais rejettent par 53,4% de voix contre la ratification du Traité de Lisbonne (46,6 % pour). Cela a une première conséquence, le report de l'entrée en vigueur du traité prévu pour début 2009. Lire : Les conséquences du « Non » irlandais décryptées

Le 1er septembre 2008. Un sommet européen exceptionnel se tient sur la crise en Géorgie qui, paradoxalement, pourrait contribuer à décrisper la situation sur le Traité de Lisbonne. Vers un « accord de Prague » ?

Le 11 décembre 2008. La présidence française de l’UE met sur la table du Conseil un compromis propre à amener les Irlandais à engager un nouveau référendum, avant la fin de l’année. Un compromis sur le Traité de Lisbonne sur la table du Conseil

Le 19 mars 2009. La ratification du traité de Lisbonne comme la négociation sur la mise en place du radar américain font partie d'un même tempo politique en République Tchèque. Lire : Pas de radar, le traité de Lisbonne et le gouvernement tanguent. La question se pose. Les Tchèques vont-il ratifier le Traité de Lisbonne… La Chambre des députés ratifie le suivi par le Sénat en mai 2009.

Le 24 mars 2009. Le gouvernement tchèque tombe, en pleine présidence de l'UE. Il est remplacé par un gouvernement technique. Lire : Pourquoi j'ai adoré la présidence tchèque... Si si. Le Sénat (6 mai) ratifie le traité. Mais le président Vaclav Klaus, eurosceptique, ne veut pas apposer sa signature.

Vendredi 19 juin 2009, sommet européen. Un accord est atteint entre Chefs d'État et de gouvernement sur le cas irlandais. Il rappelle le statut particulier de l'Irlande sur les aspects fiscaux et la neutralité militaire. Le dispositif de réduction de la Commission européenne est suspendu, chaque pays conserve le droit de désigner un commissaire européen. Lire : Accord sur un protocole « irlandais » sur la Défense : un simple couper-coller… Vraiment ? (analyse)

Le 22 septembre 2009. Le Bundestag (l’assemblée des députés allemande) vote, mardi, à une nette majorité, la loi nécessaire. La ratification du Traité de Lisbonne par l’Allemagne est proche

Le 2 octobre 2009. Un ultime référendum se déroule en Irlande. Le résultat est net. A 67,13 % les Irlandais disent Oui au Traité de Lisbonne, avec une participation relativement importante dans l'ile (58 %).

Le contenu du traité

Jeu 29 octobre 2009. Au sommet européen, les 27 tombent d’accord sur la nature de la concession tchèque. La présidence suédoise de l'UE propose d'inclure dans le prochain traité d'adhésion (avec la Croatie), une clause d'opt-out à la Charte européenne des droits fondamentaux au profit de la République tchèque. La route de Lisbonne dégagée, enfin ! Termes du compromis et calendrier

Le 1er décembre 2009. Le traité de Lisbonne entre en vigueur. La première analyse complète du Traité est sortie

Ce dossier est clos.

(NGV)

Lire aussi notre dossier N°10. La politique étrangère et PeSDC au rythme du Traité de Lisbonne

Lire tous nos articles :

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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