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Engagement en Afghanistan. Que dit le Parlement européen: Rien ?

(BRUXELLES2) Alors que tout le monde est suspendu au moindre froncement de sourcils à Washington, Obama devant annoncer sa nouvelle stratégie militaire en Afghanistan, les Européens restent étrangement silencieux. Condamnés à être les supplétifs des forces américaines. Si cette position pouvait se justifier il y a quelques années, aujourd’hui avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Le Parlement européen, qui est la seule instance légitime d’un point de vue démocratique, doit, vite, se saisir du dossier et ouvrir le débat.

Un plan d’action bien palichon.

Bien sûr, il y a eu la position affirmée au dernier conseil des Ministres des Affaires étrangères, avec un  plan d’action de l’UE pour l’Afghanistan et le Pakistan. Celui-ci est cependant au Plan d’action ce que la chicorée est au café, un ersatz. De nombreux aspects sont oubliés, notamment l’aspect militaire. Et l’engagement européen pour la formation de la police reste à la fois limité et difficile (lire Eupol Afghanistan: on progresse, lentement, trop lentement…). Même l’organisation de l’aide civile demeure parcellaire. Ce plan d’action fait pâle figure à coté du plan du général américain McChrystal. Le plan du général américain – qui devrait être relu avec une certaine attention (1) – est d’une certaine façon plus complet et ambitieux, pas seulement au plan militaire. Au plan civil également, puisqu’il prévoit le doublement de la chaîne militaire de commandement par une chaîne civile de commandement dans tout le pays. A Kaboul et dans chaque province, un “commandant civil” serait nommé avec pour fonction de coordonner l’ensemble des moyens civils déployés dans la province et être ainsi en capacité de “dialoguer” avec le responsable militaire. Ce plan prévoit aussi un “surge” en terme de communication pour répondre avec rapidité et efficacité aux tentatives de désinformation des talibans. Plutôt que de communication ou de plan d’action, ce qui semble surtout manquer au plan européen, c’est de débat.

Pourquoi un débat est nécessaire ?

Il paraît ainsi totalement incongru que mis à part quelques pays (Allemagne notamment), le débat dans les représentations démocratiques ne soit pas la règle. Il paraît également totalement anormal aucun débat n’ait été organisé au niveau européen. Car l’Afghanistan (et le Pakistan) est un sujet éminemment européen dans tous les Etats sont impliqués et pour lequel le budget à la fois national et communautaire est soumis à contribution. Avec des résultats “contrastés” (pour être gentil…). Pour moi, le Parlement européen, qui est la seule instance européenne élue au suffrage universel direct (ce que ne sont ni l’assemblée parlementaire de l’OTAN, ni l’assemblée de l’UEO, ni l’assemblée du Conseil de l’Europe), doit se saisir de cette question. Cette intervention se justifie d’autant plus que l’intervention en Afghanistan s’inscrit dans la durée, qu’elle engage profondément à la fois la vie des Européens, de nombreuses ressources militaires – qui ne sont donc plus disponibles sur d’autres terrains d’intervention – et qu’elle nécessite d’importants moyens financiers et budgétaires – d’autant plus difficiles à tenir en ces temps de restriction budgétaire. Rien qu’au plan économique – au regard notamment du respect des critères de stabilité budgétaires de Maastricht – ce débat devrait être nécessaire. Quand on regarde la dimension développement, démocratie, politique étrangère, stabilité de la région asiatique, terrorisme… sa nécéssité apparaît encore plus primordiale.

Une commission d’enquête au Parlement européen ?

L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui met au premier plan la nécessité d’une meilleure coordination des politiques étrangères, impose ce débat, aujourd’hui. D’autant que les opinions publiques de tous les pays européens sont de plus en plus sceptiques sur cette intervention, et attendent l’expression de diverses opinions… Nous n’allons pas attendre que le Congrès américain ait débattu de toutes les options envisagées pour fixer notre position. Pour moi, le Parlement européen doit ouvrir le débat, et vite, pourquoi pas sous forme d’une commission d’enquête… Cela permettrait d’envisager tous les aspects de la question – l’objectif de la présence sur place (chasse aux terrorismes, stabilisation de la zone, développement, modèle démocratique..), les moyens mis en oeuvre, les budgets qui sont dévolus – de façon posée, réfléchie et ouverte.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Dont le projet avait été rendu public le Washington post – télécharger

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).