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Une stratégie de sortie qui ne dit pas son nom

(BRUXELLES2) La réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN s’est déroulée quasiment comme sur des roulettes. Les 28 membres de l’OTAN et leurs alliés ont avalisé, sans coup férir, un renfort militaire. Ils fourniront bien 7.000 hommes de plus, demandés par les Américains, a expliqué le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen. Coréens, Géorgiens, Italiens, Polonais, Hongrois… Tous s’y mettent. Mais côté français, on reste discret. Le principe affirmé par Nicolas Sarkozy de non augmentation des troupes reste la règle officielle. Avec 3900 hommes engagés, c’est déjà suffisant. Ce qui ne peut empêcher, explique un officier, « des renforts ponctuels si la nécessité l’exige ». Possibilité confirmée par Bernard Kouchner, lui-même: « Bien sûr, si des besoins se font jour on les satisfera. Si on a besoin par exemple d’un hélicoptère de plus, on l’enverra. »

Formation

Les Alliés ont cependant compris qu’ils devaient infléchir leur stratégie. Le maître-mot, désormais, est donc « Afghanisation ». C’est-à-dire la reprise en main par les Afghans eux-mêmes de leur sécurité. Ce qui passe par la formation des forces afghanes, armée comme police. Depuis 2007, des militaires français des forces spéciales forment, avec leurs homologues américains, les bataillons (Kandaks) de forces spéciales afghanes et les instructeurs afghans. Chaque cycle d’instruction, d’une durée de trois mois permet de former 700 militaires afghans. A ce jour, 6 kandaks de forces spéciales afghanes ont été formés représentant un total de 3700 commandos.

Concentration

L’armée française a ainsi déjà passé le relais dans la région de Kaboul aux Afghans depuis un an maintenant. Et elle s’est regroupée sur une seule région : la zone Kapisa-Surobi, en déployant à la fois les moyens militaires purs, de combat, mais aussi les équipes dites OMLT, chargées de la liaison avec les forces afghanes, et les 150 gendarmes qui vont assurer la formation d’une force de gendarmerie afghane. Ce déploiement s’effectue dans le cadre de la force de gendarmerie européenne ; mais, il faut bien le reconnaître, les Français sont les seuls, pour l’instant à fournir un effectif conséquent. Les Américains et Britanniques vont, eux, concentrer leur effort sur le Helmand, une région-clé. Reste à savoir combien de temps, les populations occidentales supporteront un engagement coûteux en vie humaine et en budget.

Désengagement

Même si, à l’OTAN, le mot de stratégie de « sortie » reste tabou et qu’on lui préfère celui de « transition », tout le monde en effet y pense et sait pertinemment, comme le résume un diplomate, qu’un engagement militaire de cette importance « ne peut durer indéfiniment». Un point d’étape est d’ailleurs prévu dès la fin de l’année prochaine pour faire le point et voir si cette stratégie a fonctionné.

Nicolas GROS-VERHEYDE.

(article paru dans Ouest-France dans une première version plus courte)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).