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Entretien avec Victor Ozerov: la voix particulière de la Russie se fait entendre

(BRUXELLES2) (A Marseille) Victor Ozerov est le président de la commission Défense du Conseil de fédération de la république de Russie (le sénat russe). Nous avons pu conversé (en russe, grâce à un traducteur) sur quelques sujets intéressant la défense européenne — la Géorgie, la Transnistrie, la lutte anti-pirates et le nouveau traité de sécurité européenne — en marge des Universités d’été de la Défense. Le message semble clair : la Russie est un acteur majeur sur le continent. Sa voix doit être entendue. Elle milite pour un nouveau pacte de sécurité plus équilibré. Mais elle n’entend pas que sur des pays proches à ses frontières (Géorgie-Ossétie-Abkhazie, Transnistrie), l’UE soit en mesure de trop interférer avec ses propres intérêts.

La Russie a proposé un nouveau traité de Sécurité européenne, pourquoi ce nouveau dispositif ?

Plusieurs organisations internationales s’occupent, effectivement, de transformation et de nouveaux concepts de sécurité sur le continent. L’OTAN a commencé à réviser son concept stratégique, l’Union européenne a abouti à un nouveau Traité de Lisbonne ; à l’OSCE, nous avons le processus de Corfou. Mais les évènements tragiques en Yougoslavie et en Ossétie nous l’ont montré, les dispositifs actuels de sécurité n’ont pas montré leur efficacité. Il faut trouver quelque chose de nouveau. En tant qu’acteur majeur, la Russie est intéressée également à promouvoir un nouveau concept de sécurité. Nous ne voulons pas remplacer les mécanismes existants. La Russie ne prétend pas monopoliser les discussions. Nous n’avons pas un modèle (coulé) dans le bronze. Nous invitons les autres Etats à en discuter. Nous sommes très heureux de la position du président Sarkozy et de l’inclusion de la Russie dans le triangle de Weimar.

Quels principes comptez-vous promouvoir dans ce nouveau Traité ?

La proposition de la Russie vise à mettre en place un nouveau traité de sécurité européenne fondé sur le principe de l’indivisibilité. Aucun Etat, aucune organisation ne doit protéger les intérêts des uns aux dépens d’une autre nation. Le principe que la sécurité est indivisible, un principe qui doit être accompagné d’un dispositif contraignant.

En Géorgie, les Européens ont cependant pointé du doigt la Russie qui n’appliquerait pas le traité en six points signé en 2008. Est-ce votre sentiment ?

Je n’ai pas ce sentiment. Nicolas Sarkozy était présent lors du forum économique à St Petersbourg et n’a rien d’ailleurs dit sur ce sujet. La Russie respecte, pleinement, les principes signés par les présidents français et russe (NB: en 2008). Il faut voir également que avec l’indépendance de l’Ossétie et de l’Abkhazie, les conditions ont changé. On n’est plus dans la même situation aujourd’hui qu’il y a deux ans.

Comment croyez-vous possible de sortir de la situation inextricable en Transnistrie ? Quel pourrait être le rôle de l’Union européenne ?

Il y a deux parties au conflit. Et si une des parties n’est pas intéressée à la résolution du conflit, c’est difficile de trouver une solution. La Russie est très intéressée à ce que ce conflit soit réglé. Mais aussi d’éviter un scénario comme celui de l’Ossétie, de manière militaire. (Quel serait le rôle de l’Union européenne ?) Si l’Union européenne a une position égale (neutre), prend en considération les intérêts des deux parties, on n’a rien contre cette intervention.

Dernier sujet : la lutte anti-pirates dans l’Océan indien. Etes-vous prêt à aller plus loin en coopérant plus étroitement avec les Européens, comme au Tchad, en participant à l’opération Atalanta ?

Nous sommes très engagés effectivement. Les navires russes se relaient, de manière continue. Nous avons déjà une coopération avec la force européenne, sous forme d’échanges d’informations. Et cette coopération fonctionne (Aller plus loin ? ) Au Tchad, l’UE nous avait invité à participer à l’opération, vu les problèmes de transport. Contre la piraterie, on doit continuer à coopérer ensemble. A titre personnel, je pense qu’on doit avoir une position plus active (“activiser”) pour  résoudre ce problème.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).