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Entretien avec Adilio Custidio, chef de la mission Eupol Congo


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© NGV / Bruxelles2

(BRUXELLES2) Quand on entend parler de la république démocratique du Congo (RDC) aujourd’hui, on a l’impression d’un pays qui n’avance pas, avec tout autant de violences qu’il y a quelques années. Mais ce n’est pas le sentiment d’Adilio Custidio, le chef de la mission EUPOL en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), avec qui j'ai pu m'entretenir assez longuement, en solo, dans une salle du Conseil de l'UE.

Quelle est la situation aujourd'hui ?

« En 2001, le pays était divisé en trois, avec un climat de guerre généralisé. On est aujourd'hui dans le cadre d’un État de droit, en cheminement, qui n’est pas encore structuré, avec des institutions qui fonctionnent tant bien que mal et ont sans doute du mal à s’imposer mais qui ont le mérite d’exister. Il y a une amélioration très nette par rapport à la situation d’il y a cinq ou sept ans », précise celui qui est arrivé à ce moment là, a dirigé la mission EUPOL au Congo depuis le début après avoir servi dans la force de police civile de l'Onu.

Depuis les accords de Sun-City et de Pretoria (2002) sur la mise en place du gouvernement de transition, l’UE a apporté un appui à la mise en place de la police, notamment l’unité de police intégrée (UPI), d’abord par un projet de la Commission européenne qui a été relayé et complété par une mission de la PeSDC. « Quand on est arrivés, le travail a été un peu compliqué car tout le matériel n’était pas arrivé. Les élèves n’étaient pas fournis par les entités gouvernementales », explique Adilio Custidio. La mission est devenue opérationnelle en juin 2005, l’objectif était ensuite de former la police congolaise, aux élections, puis de faire approuver les termes de la réforme. Mais, encore aujourd'hui, elle n'a pas encore tout l'effectif nécessaire. « Il existe toujours de petits problèmes pour avoir le personnel requis. La mission compte ainsi une trentaine de personnels sur 59. Il y a toujours une certaine inadéquation entre la volonté politique et la réalité du terrain. C’est le gros problème des missions civiles. »

Quelle est la principale difficulté pour vous ?

« Les polices ont été formatées pour défendre un régime, pas automatiquement pour faire appliquer la loi, ce n’est pas par décret, uniquement, qu’on peut changer cela. C’est une réforme culturelle, qui prend du temps. Il ne suffit pas de changer la capacité de réponse, et les résultats ne sont pas immédiats. Il n’est que de voir combien de temps il faut à nos pays (par exemple la réforme des polices en Belgique). Il faut laisser mûrir pour qu’il perçoivent les changements à intégrer. Le danger est d’importer une réforme toute faite. Ils diront oui à tout. Mais ils ne feront que ce qu’ils veulent. C’est notre expérience qui parle. La réforme, ce sont les Congolais qui doivent la faire eux-mêmes. Ce sera peut etre plus long. On leur apporte un instrument, c’est tout. »

Où en êtes-vous de l'implantation de la réforme ?

« On a terminé en juin 2008 la mise en place de l’instrument de réforme, la seconde étape du cadre juridique de modèle pour la police (la loi d’orientation est au parlement, avec un cadre stratégique mis en place par les Congolais, et un plan triennal). Ce cadre réglementaire et légal n’est pas le plus important mais, sans lui, on ne peut rien faire. Car on n’a pas, avec nous, apporté de modèle tout fabriqué. Ce sont les Congolais eux-mêmes qui l’ont travaillé. Cela a mis plus de temps. On serait allé plus vite sans doute avec un modèle. Mais au bout du compte, cela n’aurait pas été très efficace. Si qu’on fait une formation sans s’occuper de cette base légale, dès qu’on arrête l’assistance et l’appui financier, cela s’arrête. »

Le point qui reste à améliorer?

« Les ressources humaines sont pauvres. Ils ont des officiers très valables. Mais il reste une "insuffisance d’encadrement". Il faut voir que nous remontons de loin. En 2001, ils n’avaient pas reçu de formation depuis 17 ans (donc 25 ans maintenant). Nous avons dû faire des formations spécifiques, en urgence parfois pour les élections. Maintenant il faut reprendre tout de A à Z. Ce n’est pas vraiment un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), c’est une réorientation professionnelle. Pour cela, il faut de l’argent, et des compensations, préparer la relève, établir les profils standardisés. »

Quelles formations estimez vous nécessaires ?

« On réfléchit à la mise en place d’une académie de police. Une seule existait et a été reconfigurée sur les officiers de police judiciaire. (...) On fait aussi de la formation au maintien de l’ordre. On a formé avec le GTZ (NB : la coopération allemande), une unité d’intervention de la police judiciaire. »

La police congolaise, ce sont combien d'hommes ? Le recrutement est il satisfaisant ?

« On comptabilise au niveau des forces, 103.408 personnels. Du moins, c’est ce qui y est dit. Le problème, c’est qu’il n’y a aucune base sur lequel se fonde ce chiffre. Le recensement est donc fondamental, pas seulement au niveau quantitatif, mais aussi qualitatif. Il faut mettre en place un outil de gestion des ressources humaines. Mais c’est plus complexe, plus long, et donc plus coûteux à mettre en place. »

La mixité des forces ?

« Au niveau de police, certains recrutements "non officiels" se sont produits. Chacun des groupements (NB : ethniques) avait un quota. Mais la police n'a pas le meme problème d’intégration que l’armée ; les chiffres sont plus réduits. Autant c'est un gros problème pour armée, autant il reste limité pour la police.»

Considérez-vous le Congo comme un pays à risques au plan intérieur ?

« Il faut justement distinguer. Une chose est la violence militaire et l’autre la violence dans le pays. Le Congo, en matière de droit commun, n’est pas un pays à problèmes. Du moins, ce n’est pas un problème généralisé. Mais il y a une tendance à une croissance de la criminalité de droit commun. La police, même sous-équipée, sous-formée, a réussi à prouver son efficacité. Car elle applique, de façon automatique, les principes de police de proximité. Les policiers vivent en symbiose avec le milieu. »

D'autres pays ont des programmes bilatéraux, cela ne rend-il pas plus difficile votre tache ?

« Oui. Certains pays ont mis en place des programmes à titre bilatéral. Mais ils s’aperçoivent parfois que cela ne suffit pas et recherchent un cadre multilatéral (NB : on peut remarquer que pour les Congolais, la priorité n’est pas automatiquement la coordination mais les équipements, ou les financements). Le Président congolais souhaite une approche plus globale et par des approches sectorielles. Il estime que c’est une priorité. »

Sans votre mission, le Congo ne s'en sortirait-il pas tout seul ?

« La bonne question est de savoir est : et si on ne le fait pas, qu’est-ce qui va se passer ? Le Congo est un pays riche mais qui n’a pas les conditions pour que cette richesse soit exploitée à son profit, la stabilisation militaire comme la sécurité intérieure sont essentiels. La police et l’armée sont les deux seules institutions qui permettent une telle garantie. Si la justice suit, on aura ainsi une approche globale. »

(propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

Entretien en face-à-face

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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