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[Entretien] La Russie présente toujours une menace pour l’Estonie (Urmas Reinsalu)

(BRUXELLES2 à Tallinn) Alors qu’après une année d’absence, l’OTAN et la Russie renouent le contact (le ministre Lavrov est invité à un déjeuner avec les 28), dans les pays baltes, la méfiance reste toujours de mise envers le “grand” voisin. B2 en a pu avoir confirmation lors de son entretien avec le ministre estonien de la Défense, Urmas Reinsalu.

Cinq années après la cyberattaque du 27 avril 2007, d’origine russe, qui avait frappé le parlement, les banques, les ministères, ou encore les médias nationaux et dont la source, la Russie constitue toujours une menace sécuritaire, certes cachée par des rapports économiques et touristiques relativement prospères.

Une réforme de l’armée russe observée de près 

A Tallinn, la priorité aujourd’hui de l’Estonie en matière de défense est de “préparer la stratégie pour les 10 prochaines années, principalement en augmentant nos capacités militaires” explique le Ministre. “Nous regardons de près la réforme de l’armée en Russie.” Officiellement le gouvernement estonien reste “très ouvert au dialogue”, les invitant même à leurs exercices militaires, même si ces derniers ne sont jamais venus. “La présence militaire russe à la frontière s’est fortement alourdie ces dernières années, tant en termes de systèmes de missiles qu’en termes de nombres d’hommes.” En 2011, la Russie a également mis en place une flotte de bombardiers lourds dans le Golfe de Finlande, avec la capacité de porter des armes nucléaires. “Ça n’était pas arrivé depuis la Guerre Froide.” assure M. Reinsalu.

Des plans de défense dans les tiroirs

L’Otan a un plan de défense. Il est important de faire passer un message clair, que nos ennemis comprennent que l’Otan est prête”. Car “la menace vise également les structures de l’Alliances. Notre région est en réalité la région de l’Otan frontalière avec la Russie où les capacités militaires de l’Organisation Transatlantique sont les plus faibles”. La rhétorique russe consiste à diviser la région et ses intérêts. Et pour Urmas Reinsalu, “il est clair que c’est un problème que nous ne pouvons accepter.” Mais la Suède et la Finlande sont fin prêtes. “L’Otan a son scénario et les pays non-membres ont leurs propres scénarios. Je pense que les pays voisinant la Russie sont au courant de la situation.”

De plus en plus d’espions

Oui, nous avons eu plusieurs espions russes l’année dernière. C’est la réalité, les intérêts des russes (pour l’Estonie) sont en hausse.” Les intérêts des Russes augmentent d’autant plus que tous les Alliés partagent de plus en plus d’informations entre eux.

L’Estonie aimerait voir plus de démocratie en Russie

Les échanges touristiques et économiques sont particulièrement bons avec la Russie. De là à dire que ceux-ci comptent plus que les préoccupations sécuritaires ? “Je crois que ce sont des secteurs séparés. On ne peut pas les mélanger. Bien-sûr nous aimerions avoir un voisin plus démocratique.”

L’ex-allié géorgien

A la veille de l’attaque russe de 2008 contre la Géorgie, la Russie avait lancé toute une série de cyber-attaques contre les infrastructures géorgiennes. Le gouvernement estonien avait alors été le premier à réagir. Depuis, les relations sont très amicales, mais le changement de gouvernement à Tbilissi a changé la donne. “Je pense que la situation en Géorgie est maintenant dans les mains du gouvernement géorgien.” Officiellement, M. Reinsalu “accueille avec plaisir la déclaration du nouveau premier ministre (Bidzina Ivanichvili) de continuer sur la voie de l’Otan”, mais il apparaît clair que l’aide estonienne sera conditionnée au respect de l’Etat de droit en Géorgie. “Nous sommes fidèle au partenariat oriental mais nous sommes également dévoué à laisser le peuple choisir son propre chemin.”

Les cyber-améliorations

Interrogé sur les cyber-attaques, “il est clair que c’était un sérieux défi. Nous avions tenté une procédure judiciaire auprès des autorités russes, mais elle avait été rejetée.” Ils ont également essayé de faire jouer les structures de l’Otan et européennes, mais sans succès. “Il est très important à nos yeux de gérer cette question et d’acquérir des plateformes (informatiques) plus intelligentes. Ce sont des problèmes pour lesquels nous aimerions apporter notre valeur ajoutée à nos partenaires.” Quant à la mise en place du Centre d’excellence de cyber-défense à Tallinn, “de manière collective, l’Otan est arrivé à la conclusion que des questions sur les nouvelles menaces ont été soulevées. Cela soulève des questions sur les attaques et ça soulève aussi des questions sur l’interprétation de l’article 5.”

Urmas Reinsalu a été nommé Ministre de la Défense le 11 mai 2012, remplaçant Mart Laar (pour raisons médicales) à la tête du ministère et également à la présidence de l’Union Pro Patria et Res Publica (IRL) parti de centre droit. Diplômé en droit de l’université de Tartu en 1997, il est directement nommé directeur de cabinet du Président de la République, Lennart Meri, entre 1998 et 2001. En 2003, il est élu au Parlement estonien (Riigikogu), puis réélu en 2007 et en 2011. Sur sa biographie officielle, M. Reinsalu parle anglais, allemand, russe et finlandais.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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