SEAE Haut représentant

La Haute représentante fait-elle le job ?

(BRUXELLES2, humeur) Ce n'est pas la première fois que la Haute représentante, Catherine Ashton, rate son rendez-vous avec la presse. C'est vrai. Depuis trois ans, la Haute représentante trouve toujours une excellente excuse pour s'esquiver : la réunion a eu du retard, un rendez-vous important à tenir, un avion à prendre (des courses à faire peut-être ?)... Et hop, on interrompt la conférence de presse. Ce n'est pas le record cette fois. Mais 11 minutes c'est pas mal (*).

Le coulis de framboise ...

C'est vrai l'apport de Catherine Ashton à la politique européenne n'est pas un sublime coulis de framboise sur une nuée de fruits frais... Pour avoir pu parcourir à l'occasion le "brief" (document résumant les questions en jeu) préparé par ses services, on peut dire qu'elle a l'art de faire d'un excellent foie gras, une épaisse bouillie pour chats. Mais là n'est pas la question. Son job est de présider la réunion des ministres des Affaires étrangères ET de venir rendre compte.

Une saine explication

La conférence de presse n'est donc pas une partie de plaisir ni une option mais une obligation attachée à la fonction. Ce compte-rendu de la réunion n'est pas destiné à satisfaire le plaisir ou l'ego des journalistes mais de permettre à travers eux, au public de prendre connaissance des décisions du Conseil. Une saine explication des méandres des décisions (ou des non décisions) est donc nécessaire. Surtout quand sont abordées, comme aujourd'hui, des questions aussi complexes que la levée de l'embargo sur les armes pour la Syrie, la stabilisation de la Somalie (le président était invité au déjeuner) ou le Mali.

Une faute professionnelle

On peut comprendre que la Haute représentante ait un agenda chargé. Dans ce cas, elle doit déléguer soit à un haut responsable du service diplomatique, soit à un autre ministre des Affaires étrangères, le soin de venir accomplir ce travail. Se limiter à répondre de façon lapidaire à trois questions (Reuters, El Arabyah, DPA) n'est donc pas une erreur mais une faute professionnelle. C'est comme l'étudiant qui ne répond qu'à trois questions sur dix à l'examen. Il est out ...

Les 27 doivent être plus responsables

Le mandat de la Haute représentante arrive à échéance en novembre 2014. Mais déjà se pose la question de savoir qui va la remplacer. Les "27" ne devront pas faire la même erreur que sur la nomination de C. Ashton en novembre 2009. Ils devront choisir soit un personnage politique d'expérience et qui a une certaine conscience de son travail (**). Ou à défaut de trouver la perle rare, il vaudrait mieux porter son dévolu sur un diplomate professionnel de haut niveau. Les ambitions que l'Union européenne affiche en matière extérieure ne permettent pas de supporter de renouveler cette erreur deux fois.

(*) J'ai parfois un peu l'impression de me répéter. Mais aussi la désagréable impression qu'en trois ans, la Haute représentante qui a cependant un salaire plus que décent - permettant de faire vivre 4 diplomates confortablement - prend des aises avec certaines pratiques qui mérite la répétition.
(**) Quand on voit comment le ministre malien des Affaires étrangères, T. Coulibaly, a assuré la même "prestation" devant les journalistes, répondant à nombre de questions, de façon souvent détaillée, ne perdant pas patience devant nos demandes (insistantes) d'explication, et continuant à répondre alors qu'une panne générale affectait le bâtiment, on se dit qu'effectivement l'Europe a encore beaucoup à apprendre.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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