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La Cour infléchit la jurisprudence du tribunal sur les sanctions contre l’Iran

(crédit : NIOC)
(crédit : NIOC)

(BRUXELLES2) La Cour de justice européenne a prononcé, aujourd’hui (28 novembre), deux arrêts intéressants sur les sanctions prononcées contre des sociétés iraniennes dans le cadre de la limitation du programme nucléaire de l’Iran : la société Kala Naft (activités pétrolières) et Fulmen (équipements électriques. [Sur cette dernière affaire, voir article suivant : le secret ou le droit]

Validation des sanctions et annulation du jugement du TPIUE

Saisie d’un pourvoi en cassation contre le jugement prononcé en première instance par le Tribunal de première instance de l’UE l’année dernière (*), qui annulait le gel des avoirs, la Cour donne, en effet, raison au Conseil dans l’affaire Kala Naft, censure le jugement du Tribunal et valide ainsi les sanctions prises par les “28” . On peut ainsi remarquer un infléchissement de la jurisprudence par rapport à l’analyse du tribunal.

Une erreur de droit

La Cour estime que l’interprétation faite par le Tribunal des règles générales relatives aux actes applicables en matière de mesures restrictives est erronée. Pour rappel, les juges de première instance avaient annulé la décision estimant qu’il n’y avait pas d’implication prouvée dans la prolifération nucléaire et pas de preuves.

Une évolution de la réglementation internationale et européenne

Le Tribunal n’a « pas tenu compte de l’évolution de la réglementation de l’Union en matière de mesures restrictives », en particulier depuis la résolution 1929 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Tribunal a cherché un lien direct entre les activités de Kala Naft et la prolifération nucléaire. Ce qu’il n’y avait plus lieu de faire depuis 2010.

L’extension des sanctions au gaz et au pétrole par la résolution ONU change la donne

« La simple acquisition de technologies et de biens interdits » permet d’établir un lien avec l’activité nucléaire. La réglementation précise, en effet, expressément que « les mesures restrictives doivent être appliquées à ceux qui participent, sont directement associés ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de technologies et de biens interdits ». La résolution 1929 du Conseil de sécurité de l’ONU ayant étendu le champ des sanctions au gaz et au pétrole, « sources importantes de recettes pour l’État iranien », le dispositif européen qui étendait les sanctions « aux nouveaux investissements, à l’assistance technique et aux transferts de technologies, équipements et services » à ces deux secteurs, était alors logique.

Une motivation des actes quasi-automatique dans certains cas

Pour les juges, il y a automaticité de motifs entre l’acquisition de tels biens et le placement sur la liste. « La simple commercialisation d’équipements et de technologies essentiels destinés à l’industrie du gaz et du pétrole est susceptible d’être considérée comme un appui aux activités nucléaires de l’Iran ». En interprétant de manière différente les règles en cause, « le Tribunal a commis une erreur de droit ».

Un motif d’interdiction suffit

Par ailleurs la Cour précise qu’un seul motif, étayé, constitue « une base suffisante pour soutenir une décision de mesures restrictives ». Le fait que d’autres de ces motifs ne seraient pas justifiés « ne saurait justifier l’annulation de cette décision ». Ainsi le fait que Kala Naft assure le rôle de centrale d’achat de la compagnie pétrolière nationale iranienne était « suffisant pour inscrire cette société sur les listes de gel de fonds ».

  •  Télécharger l’arrêt C-348/12 P Conseil / Manufacturing Support & Procurement Kala Naft Co.

(*) Arrêt du Tribunal du 25 avril 2012, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft / Conseil, (T-509/10)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).