La défense réduite à la portion congrue. Un Sommet pour rien
(BRUXELLES2) Les questions de défense devaient figurer comme un point-clé du sommet européen. Le résultat ne semble pas vraiment assuré aujourd'hui. Et la politique de sécurité et de défense (PSDC) apparait même comme un sujet secondaire. Le mot "défense" ainsi même PSDC" a même été gommé des "highlights" présentant le Sommet sur le site web du Conseil de l'UE (voir ci-dessous). Un signe !
Un agenda chargé et un débat rapide
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait, c'est vrai, hésité, dans les premiers mois de l'année, à maintenir ce point à l'ordre du jour du Conseil estimant que l'ordre du jour était bien chargé. Et c'est vrai. L'agenda du Conseil contient des sujets très délicats à discuter entre "Chefs" : les migrations, la dette et les réformes en Grèce tout comme les revendications de Cameron d'une "Europe Light". Entre Grexit et Brexit, les esprits divaguent et les attentions sont ailleurs. Du coup, le débat prévu au Conseil risque de réduire à sa plus simple expression et de ne durer qu'une ou deux heures au matin (lire sur le Club : Au sommet, des conclusions réduites sur la Défense. Le temps d’un sucre dans un café ?). Et encore, puis qu'il pourrait se réduire à écouter le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, venu là pour expliquer « comment l'OTAN répond aux nouveaux défis de sécurité ». Autrement dit une vision on ne peut plus atlantiste de la politique de défense commune, aux antipodes de ce qui était prévu dans les Traités et l'esprit des traités.
Des conclusions limitées
La brièveté des conclusions est encore plus étonnante. Le texte, parvenu à B2 et que nous avons commenté hier dans le Club (Lire : Le projet (commenté) des conclusions sur le Sommet Défense (exclusif)), se résume aujourd'hui à assez peu de choses : quelques lignes lapidaires : 6 "bullet point" et 4 lignes d'introduction sur la PSDC + " lignes pour la stratégie européenne de sécurité. Et c'est tout... Au surplus, ces lignes sont assez confuses dans le langage, peu compréhensibles même pour une personne avertie (sans une notice d'utilisation), voire carrément inconsistantes. Ce qui est tout le contraire des objectifs visés par un Conseil européen : des orientations claires et précises pour permettre à toute la sphère européenne (ministres, Commission, diplomates, gradés, industriels) de travailler. En résumé, par rapport à l'ampleur des défis auxquelles l'Europe fait face, c'est pour reprendre les termes des plusieurs ambassadeurs de l'UE : "inacceptable" ou "indécent" !
Une réflexion sur les menaces absente
Le plus étonnant est l'absence de débat sur les menaces qui se trouvent aujourd'hui sur la frontière sud. La Syrie et l'Irak sont en feu. En Libye, l'Egypte et l'Arabie saoudite d'un côté et le Qatar et la Turquie se font la guerre par proxies libyens interposés. Et Daech commence à tirer son épingle du jeu à Syrte. Le Liban et la Turquie croulent sous les réfugiés. Et aucun débat à ce sujet au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement. Pour reprendre le mot de Nicole Gnesotto, professeur au CNAM, et ancienne directrice de l'institut d'études de sécurité de l'UE, on ne peut qu'être « étonné, atterré que les Chefs ne parlent pas de la situation la plus dramatique qui soit ».
Une atonie européenne ?
On pourra se satisfaire de ces conclusions. En se disant c'est mieux que rien. Au moins, les Chefs d'Etat en parlent un peu. On mentionne la recherche. Mais, au final, par rapport aux enjeux, c'est nul ! Autant le dire franchement. Et ce que je dis vertement, d'autres l'ont déjà dit dans les coulisses de manière à peine plus voilée.
(Nicolas Gros-Verheyde)