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Barroso chez Golman Sachs, symbole d’une dérive. Des eurodéputés demandent la saisine de la Cour

José-Manuel Barroso au sommet de Hampton Court en 2005. Il était plus jeune... (Crédit : Conseil de l'UE)
José-Manuel Barroso au sommet de Hampton Court en 2005. Il était plus jeune… (Crédit : Conseil de l’UE)

(B2) L’annonce du recrutement de Manuel Barroso par Goldman Sachs (Lire: José-Manuel Barroso se paie une pantoufle en diamant aux dépens de l’Europe) a semé le trouble. Après avoir hésité, le président de l’actuelle Commission, Jean-Claude Juncker, a décidé de demander à l’intéressé « des clarifications sur ses nouvelles responsabilités et les termes de son contrat ». Il a également demander « l’avis du comité d’éthique ad hoc » et en a informé la médiatrice européenne Emily O’Reilly vendredi dernier (9 septembre).

Pour Pervenche Berès, la présidente de la délégation française des socialistes au Parlement européen, et quelques autres députés européens, de gauche essentiellement, il faut aller plus loin. En plus d’être une « violation » du traité de fonctionnement de l’UE, ce recasage de celui qui a été durant dix ans le président de la Commission européenne sape la confiance des Européens dans les institutions. Elle lance donc une campagne (dans une tribune publiée en premier lieu dans Libération) pour convaincre ses collègues de signer une déclaration écrite demandant la saisine de la Cour de justice européenne.

Le symbole d’une dérive 

Cette nomination, au lendemain du Brexit, symbolise une dérive inacceptable : celle du conflit d’intérêt de responsables politiques. Avec le recrutement de M. Barroso, l’objectif affiché par Goldman Sachs est de contourner la perte de leur « passeport européen » depuis Londres. 

Que celui qui a eu pour fonction de diriger l’institution en charge de défendre l’intérêt général européen devienne l’employé d’une banque d’investissement américaine qui se joue des lacunes européennes pour accroître ses bénéfices est profondément choquant. Le cas de M. Barroso constitue une violation claire et manifeste de l’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du serment fait par ce dernier, le 3 mai 2010. 

Critiqué au sein même de la Commission 

Les fonctionnaires de la Commission européenne ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : ils ont eux-mêmes immédiatement lancé une pétition afin de dénoncer un tel pantouflage qui a déjà reçu 140 000 signatures. La médiatrice, de son coté, a également exprimé ses réserves sur ce recrutement, et M. Juncker a répondu.

Appel à saisir la Cour européenne de Justice

Au lendemain de la rentrée parlementaire, nous lançons au Parlement européen une initiative, qui va dans le même sens afin de mettre fin à ces pratiques qui sapent la confiance des Européens et nous choquent : nous appelons nos collègues à nous rejoindre en signant la déclaration écrite que nous déposons.

C’est pourquoi nous demandons au Conseil et à la Commission de saisir la Cour de Justice de cette situation, conformément à l’article 245 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. C’est à elle qu’il appartient, en droit, de se prononcer sur le cas de M. Barroso et de déterminer les conséquences qui en découlent quant à ses droits à la pension et aux autres avantages en tenant lieu.

Réviser le code de conduite

Par ailleurs, nous demandons une révision du code de conduite pour porter à une législature – cinq ans – les règles anti-pantouflage, qui, à ce jour, ne courent que pendant les 18 mois suivant la fin du mandat des commissaires. 

Des règles à la hauteur des attentes des Européens

Bien sûr, les commissaires européens ont le droit d’avoir une carrière après leur mandat ; cependant, des règles strictes doivent empêcher les abus et une traçabilité des contacts entre eux et leurs anciens collaborateurs est indispensable. Le respect de  la démocratie exige que soit mis un terme à ces agissements. Il est temps que nos règles soient à la hauteur des attentes des Européens dans la Commission Européenne et dans le Parlement. Restaurer la confiance des Européens dans l’Union, c’est aussi empêcher que ceux qui lui doivent tant puissent lui nuire. 

Pervenche Berès (PS), Hugues Bayet (PS, Belgique), Karima Delli (Verts), Fabio De Masi (Die Linke, Allemagne), Gérard Deprez (MR, Belgique), Sven Giegold (Die Grünen, Allemagne), Sylvie Guillaume (PS), Eva Joly (Verts), Emmanuel Maurel (PS), Julie Ward (Labour, UK).

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise