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L’Amérique “en premier”, de Trump. Pour l’Europe, un certain langage de la vérité

(BRUXELLES2) Les discours de Donald Trump, le candidat à la présidence des États-Unis, en matière de politique étrangère doivent être regardés avec une certaine attention. Contrairement à ce que laisse dire sa concurrente Hillary Clinton, ces textes traduisent une certaine logique (du moins en matière de politique étrangère). On peut ne pas la partager mais elle est loin d'être imbécile comme le présentent quelques commentateurs. Si on retire la tonalité de campagne, de nature auto-glorificatrice (dans le genre : 'avec moi tout va changer') un rien martiale, et les attaques répétitives (parfois sous la ceinture) contrer sa concurrente, ses prises de position (1) sont très politiques. Son slogan de campagne « America First » se traduit par un axiome : « s'occuper de notre pays en premier, avant de se préoccuper du reste du monde », parfaitement décliné en matière de politique étrangère.

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La photo de campagne de Donald Trump en grand héros américain (crédit : Donald Trump)

Les Etats-Unis trop indulgents envers leurs alliés

Dans son premier discours de politique étrangère, en avril, Trump avait averti : au sein de l'OTAN « nos alliés ne paient pas leur juste part. (...) Beaucoup d'entre eux (...) regardent les États-Unis comme faibles et indulgents et ne ressentent aucune obligation d'honorer leurs accords avec nous. À l'OTAN, par exemple, hormis l'Amérique, 4 seulement des 28 autres pays membres dépassent le minimum requis de 2 % du PIB consacré à la défense. (...) Nos alliés doivent contribuer [davantage] aux coûts financiers, politiques et humains. (...) Les pays que nous défendons doivent payer pour le coût de cette défense. Sinon les États-Unis doivent être prêts à laisser ces pays se défendre. Nous n'avons pas le choix. »

La solidarité automatique dans le cadre de l'OTAN

Trump l'a répété, en juillet, dans une interview au New York Times. L'intervention des États-Unis ne sera plus automatique. « Je préférerai être capable de poursuivre les accords existants mais uniquement si les alliés arrêtent de considérer comme un avantage acquis ce qui peut être appelé une ère de largesse américaine qui n'est plus supportable ». Il faudrait avant tout vérifier que ces pays « ont bien respecté leurs obligations vis-à-vis de nous ».

“I would prefer to be able to continue” existing agreements, he said, but only if allies stopped taking advantage of what he called an era of American largess that was no longer affordable.

La présence permanente US à l'étranger remise en cause

De la même façon, dans cet entretien, il estime que « le déploiement avancé de troupes américaines à l'étranger n'est pas toujours nécessaire. (...) Si nous décidons que nous devons défendre les États-Unis, nous pouvons toujours déployer » à partir du sol américain, souligne-t-il. Ce faisant, il pourrait remettre en cause la présence américaine en Europe qui peut paraître superflu au regard de cet axiome.

Une certaine tentation à l'isolationnisme

Le candidat à la présidence américaine revient à ce qui est un des courants traditionnels de l'Amérique : l'isolationnisme. « Quand le monde voit dans quel pétrin les États-Unis sont plongés et qu'on commence à parler de libertés civiles, je ne crois pas qu'on soit un très bon messager », a-t-il dit au New York Times. « Je ne crois pas que nous ayons le droit de donner des leçons. Comment pouvons-nous donner des leçons alors que chez nous des gens tirent de sang-froid sur des policiers ? » souligne-t-il. Dans d'autres discours, il a particulièrement critiqué les interventions en Iraq (2003) et en Libye (2011), les jugeant peu efficaces.

Commentaire : un raisonnement légèrement tronqué

Ce n'est pas la fin de la clause de solidarité mutuelle comme on l'a craint au niveau de l'OTAN ou des pays baltes. C'est la fin d'un dispositif faussé, un tantinet parasite, qui consiste pour la plupart des pays européens à considérer l'OTAN et les États-Unis comme une assurance tous risques à moindres frais, avec un minimum d'investissement (tant financier qu'en prise de risque). Le langage de Trump est assez logique : pas question de faire un effort si les Européens ne contribuent pas davantage de façon décisive à l'OTAN.

Si on peut partager ce propos de Trump, il faudrait aussi rappeler l'effort important consenti par les Européens qui ont contribué aux opérations menées en solo par les Américains en Afghanistan (à partir de 2001) et en Irak (à partir de 2003).

De nombreux pays ont répondu présents en hommes, en matériels et en engagement financier à des interventions qui étaient largement contestables (2) au plan de l'utilité politique, militaire comme du droit international (pour l'Irak), montrant ainsi une certaine solidarité hors limite avec les intérêts américains (du moment).

Trump oublie également que les États-Unis ont souvent veillé à verrouiller l'OTAN dans le sens de leurs intérêts. Et l'important investissement militaire consenti a été payé de retour également, en termes de retombées économiques nationales, les États-Unis imposant souvent la production made in USA à ses alliés.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Télécharger les discours sur la politique étrangère (avril 2016) et sur l'Islam radical  (août 2016)

(2) Donald Trump affirme s'être très tôt opposé à l'intervention en Irak dans un speech prononcé en août. « J'étais un adversaire de la guerre en Irak depuis le début. (...) J'ai exprimé publiquement mes doutes privés au sujet de l'invasion. Trois mois avant l'invasion, je l'ai dit, dans une interview avec Neil Cavuto : « Nous ne devrions peut-être pas le faire (...) l'économie est un beaucoup plus gros problème ». En août 2004, dans le magazine Esquire il déclarait : « Regardez la guerre en Irak et le gâchis que nous sommes. (...) Quelqu'un croit-il vraiment que l'Irak va être une démocratie merveilleuse où les gens vont courir jusqu'au bureau de vote, y glisser doucement un bulletin de vote et le gagnant dirigea le pays ? Allons ! Deux minutes après notre départ, il y aura une révolution, et le plus méchant, le plus dur, le plus intelligent gars, plus vicieux va prendre le relais. Et il y aura des armes de destruction massive, que Saddam ne possédait pas. » 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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