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L’Union de la défense a un partisan opiniâtre : le Parlement européen

Elmar Brok et Cristian Dan Preda pendant un débat au Parlement européen (Crédit : PE)

(BRUXELLES2) S’il est un endroit où une Europe de la Défense est toujours au cœur de l’action européenne, c’est bien au Parlement européen. Les parlementaires ne veulent pas céder au défaitisme ambiant ou baisser les bras sur l’ambition d’une « Union de la défense ». Ils le disent haut et clair face à des Chefs d’Etat et de gouvernement qu’ils jugent timorés. A la veille du sommet, B2 a regroupé les quelques phrases entendues ces derniers jours au Parlement.

« L’Europe ne sera pas l’Europe tant que nous n’aurons pas une politique européenne de défense » — Inés Ayala Sender (S&D, Espagne). 

L’Europe n’est pas prête

Après avoir construit la paix sur le continent, les Européens ont oublié de se préparer à une nouvelle guerre, quelle que soit sa forme.

« Notre Union n’est pas équipée pour faire face à des défis majeurs en matière de défense.  » — Urmas Paet (ALDE, Estonie)

Ne plus dépendre de l’OTAN

Les Européens ne pourraient pas assurer leur propre sécurité si la Russie devait passer à l’acte, dépendant de l’accord des Américains… et des Turcs. Le Parlement européen reprend de plus belle sa demande d’indépendance face à l’organisation transatlantique.

« L’OTAN ne peut pas, avec sa table de décision à laquelle siègent M. Erdoğan et bientôt M. Trump, être la caution de sécurité des Européens. Nous devons nous prendre en main, et il est temps de transformer les bonnes intentions et les bonnes paroles en actions concrètes. » — Arnaud Danjean (Les Républicains/PPE)

Arrêter l’hypocrisie

Pour les députés européens, le vrai problème est politique. Le manque de volonté des États membres est le véritable frein à une Europe de la défense. Ils demandent donc aux Chefs d’État et de gouvernement d’assumer « une plus grande responsabilité ».

« Nous avons de nombreux exemples ridicules de mauvais fonctionnement. Prenons les battlegroups. Ils existent depuis 2007 mais n’ont jamais été utilisés. C’est encore plus ridicule si on regarde de près les raisons pour lesquelles ils n’ont pas été utilisés  […]  » — Urmas Paet (ALDE, Estonie)

« Les États membres doivent arrêter de dire qu’ils veulent plus de défense, de sécurité, sans pour autant contribuer financièrement. Ça ne fonctionne simplement pas. » — Ioan Pascu (PSD/S&D, Roumanie).

Repenser la PSDC pour acquérir une autonomie stratégique

Il faut commencer à mettre en oeuvre le “C” de la politique européenne de sécurité commune (PSDC), disent les députés : “mutualiser” les efforts de capacités, d’échange d’informations, d’unités militaires mises à disposition de l’UE pour ses missions en Afrique ou ailleurs… Objectif : avoir plus d’autonomie stratégique.

« La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) doit être radicalement remaniée afin d’affirmer l’autonomie stratégique de l’Union européenne et de renforcer sa capacité de résistance » — Ioan Pascu (PSD/S&D, Roumanie).

Parler de défense régulièrement dans les hautes sphères

Aussi contradictoire que cela puisse paraitre, sécurité et défense sont des thèmes fort peu traités par les décideurs européens. Les ministres de la Défense des 28 ne se réunissent que deux fois par an, toujours dans l’ombre de leurs confrères des Affaires étrangères. Les chefs d’État et de gouvernement ne parlent de défense et sécurité que de façon épisodique et souvent lapidaire…

« Le véritable problème est l’absence d’un Conseil des ministres de la défense. Tout comme l’absence d’un commissaire pour la défense. Il en découle un manque réel de leadership. Bien sûr, il y a la Haute représentante, Federica Mogherini, avec une casquette pour les affaires étrangères et la sécurité, ce qui signifie à peu près tout dans le monde… Je crois que c’est trop. Un seul commissaire ne peut pas gérer tout cela, simplement parce que personne n’a pas plus de 24 heures par jour » — Urmas Paet (ALDE, Estonie)

Pour avoir des capacités, relancer l’industrie de la défense

La clé pour avoir les capacités de défense nécessaires est de renforcer l’industrie européenne de la défense, par de nouveaux programmes, de nouveaux financements…

« Depuis des années, nous savons que l’industrie de la défense est une industrie stratégique confrontée à un nombre croissant de défis. En effet, il n’était pas nécessaire de le reformuler dans un autre plan. Seuls de nouveaux programmes d’armement commun garantissent la survie de notre industrie de la défense. Ce qui manque, ce sont les programmes coopératifs »— Michael Gahler (CDU/PPE/ Allemagne)

Une question de crédibilité

L’enjeu final est clair. Considérée un soft-power, l’Union européenne n’est plus crédible si elle ne peut pas se protéger elle-même.

« Si nous ne sommes pas capables d’assurer notre sécurité, l’Union européenne cessera d’exister. » — Sandra Kalniete (PPE/Vienotiba, Lettonie)

« Nous avons besoin d’une solide capacité militaire. Nous avons besoin d’une capacité de projection de puissance substantielle. Nous avons besoin d’un pouvoir crédible pour pouvoir participer à la prévention des conflits avec succès. »  — Tamás Meszerics (Verts/ Allemagne)

(Leonor Hubaut)

Le Parlement veut voir se concrétiser l’Union européenne de la défense (projet de rapport)

Il faut repenser les priorités de la PSDC. La Syrie doit être au top de la liste (Ioan Pascu)


Les 10 propositions des parlementaires (en bref):

  • Créer un Conseil de la Défense et un semestre européen de la défense;
  • Avoir un Livre blanc;
  • réviser les missions de Petersberg et permettre des interventions de types plus variées;
  • créer un quartier général européen;
  • utiliser les battlegroups, « en y ayant davantage recours pour les missions et les opérations de la PSDC »;
  • réviser le mécanisme Athena pour « étendre le financement commun des opérations de la PSDC  »;
  • renforcer l’industrie européenne de la défense;
  • permettre le financement de la recherche liée à la défense, par des fonds communautaires;
  • renforcer le Service de diplomatie européen (SEAE) : « renforcer son expertise thématique et sa capacité de planification et de prévision stratégique, ainsi que le domaine du renseignement »;
  • faire plus dans l’OTAN, notamment en aidant les États membres qui accueillent ou impliqués dans le déploiement des quatre bataillons à l’est.

Leonor Hubaut

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise Leonor Hubaut est journaliste. Diplômée en relations internationales de l'Université Libre de Bruxelles (mention mondialisation). Elle couvre pour B2 le travail du Parlement européen, les missions de la PSDC et les questions africaines. Spécialiste du Sahel.