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Sommet de l’OTAN : Trump, ses diatribes, ses tweets (V3)

(B2 au siège de l'OTAN) Le président américain Donald Trump ne porte pas ses alliés de l'OTAN en odeur de sainteté.

Meeting between NATO Secretary General Jens Stoltenberg and US President Donald Trump (crédit : OTAN)

Toutes ses paroles entremêlant vraie problématique et fausses informations ont une étrange odeur d'une propagande que l'Alliance atlantique entendait davantage en provenance de Moscou, tournant autour d'une seule rengaine : salauds d'Européens, tous des profiteurs. La Russie de Poutine n'a rien à faire. Trump fait le sale boulot de nettoyer au karcher l'Alliance, de semer le trouble et le doute, à la manière d'un sale gamin qui n'a qu'une envie qu'on lui dise ses quatre vérités et qu'il parte.

Les USA paient la défense, et les Européens encaissent les dividendes

Dès le lundi, Donald Trump entame la bataille par le biais de tweets vengeurs, assénant son sentiment dans un double tweet. « Les États-Unis dépensent beaucoup plus pour l'OTAN que n'importe quel autre pays. Ce n'est pas juste et ce n'est pas acceptable. Alors que ces pays ont augmenté leurs contributions depuis mon arrivée au pouvoir, ils doivent faire beaucoup plus. L'Allemagne est à 1%, les États-Unis à 4% ».

« Et l'OTAN bénéficie beaucoup plus à l'Europe qu'aux États-Unis. Selon certaines statistiques, les États-Unis paient 90% de l'OTAN, avec de nombreux pays maintenant proches de leur engagement de 2%. En plus de cela, l'Union européenne a un surplus commercial de 151 millions de dollars avec les États-Unis, [en ayant] de gros obstacles commerciaux sur les marchandises américaines. [C'est] NON! »

Le contribuable américain paie trop pour les Européens

Mardi 10 juillet, au matin, Donald Trump alors qu'il se dit « prêt à quitter (les USA) pour l'Europe » avec la même joie qu'un condamné à mort annonce qu'il part à l'échafaud, il répète sa formule mêlant questions de défense et commerciales : « les Etats-Unis dépensent beaucoup plus qu'aucun autre pays pour les protéger [les Européens]. Ce n'est pas juste pour le contribuable américain. Et en plus de cela, nous perdons 151 milliards de $ dans notre commerce (extérieur) avec l'Union européenne. Augmentons les tarifs (et les barrières).  »

Des pays qui sont en retard de paiement

Le soir, le président Trump accentue cette idée en mettant l'accent sur les retards de paiement des pays membres de l'Alliance. « De nombreux pays de l'OTAN, que nous sommes censés défendre, sont non seulement à court de leur engagement actuel de 2% (ce qui est faible), mais ils sont également en retard depuis de nombreuses années dans des paiements qui n'ont pas été faits. Vont-ils rembourser les États-Unis ? »

Un amalgame qui ressemble plus à une fake news, peu digne d'un président en exercice. L'objectif de 2% est un objectif à atteindre au niveau de chaque budget national. Ce n'est pas une contribution au budget américain. Quand au budget commun de l'Alliance, s'il y a de retards de paiement, c'est l'OTAN qui en souffre. Dans aucun cas, il n'y aura remboursement au budget américain.

Salauds d'Européens qui préfèrent se divertir au football ou faire du profit avec le commerce que de dépenser sur la défense

Le président débarque à Bruxelles. Peu de monde pour admirer son arrivée, accompagné de sa femme Mélania Trump. Tout le monde suit le match France-Belgique (autrement plus passionnant !).

A peine arrivé sur le sol belge, Trump aligne l'Union européenne, ses agriculteurs, ses travailleurs et ses entreprises. « L'Union européenne empêche nos agriculteurs, nos travailleurs et nos entreprises de faire des affaires en Europe (déficit commercial de 151 milliards de dollars américains), et ils veulent ensuite que nous les défendions avec joie par l'intermédiaire de l'OTAN et que nous en payions gentiment. Ça ne marche pas ! »

Trois heures plus tard, juste avant d'aller se coucher (?), Donald Trump répète son antienne favorite, mais de façon plus concise : « Les pays de l'OTAN doivent payer PLUS, les États-Unis doivent payer MOINS. Très injuste ! ».

Une prose assez irréelle. Le budget américain de défense a d'autres impératifs que les budgets nationaux des autres membres de l'OTAN. L'augmentation des dépenses des seconds ne signifie en aucun cas, automatiquement, une baisse du budget américain de défense, qui aurait une conséquence néfaste d'ailleurs pour l'économie, les emplois et la croissance américaines.

L'Allemagne dans le viseur au petit-déjeuner en tête à tête avec Jens Stoltenberg

Mercredi matin, la discussion commence (de façon assez classique) par un tête à tête entre le président américain et le secrétaire général de l'OTAN. Alors que les caméras tournent ce qui est d'ordinaire une atmosphère compassée, Donald Trump attaque bille en tête, avec essentiellement Berlin dans le viseur : « nous protégeons l'Allemagne, la France, ... et un certain nombre de ces pays créent un pipeline avec la Russie. [...] Nous devons les protéger contre la Russie, mais ils lui paient des milliards de dollars. Ce n'est pas vraiment juste. Et l'ancien chancelier allemand est le président de cette pipeline de gaz. L'Allemagne aura automatiquement 70% de son gaz contrôlé par la Russie. Dites-moi : est-ce juste ? (...) Je pense que non. (...) Et pendant ce temps, l'Allemagne dépense à peine 1% de son PIB pour la défense tandis que les USA plus de 4%, avec un PIB plus important ».

On ne peut pas dire que Jens Stoltenberg ait passé le meilleur quart d'heure de son histoire à la tête de l'Alliance. Avant que Trump recommence avec ses fermiers :« Je suis à Bruxelles, mais je continue de penser à nos fermiers ».

Un nouvel objectif : 4% de dépenses

Après être intervenu en séance et annoncé qu'il veut non seulement que l'objectif de 2% soit réalisé tout de suite, il demande également un nouvel objectif de 4% pour 2025. Le président Trump sort de séance et, avant même que celle-ci soit terminée, il tweete :

« A quoi sert l'OTAN si l'Allemagne paye à la Russie des milliards de dollars pour le gaz et l'énergie? Pourquoi n'y a-t-il que 5 pays sur 29 qui ont respecté leur engagement ? Les États-Unis paient pour la protection de l'Europe, puis perdent des milliards sur le commerce. [On] doit payer IMMÉDIATEMENT 2% du PIB, pas d'ici 2025. »

« Des milliards de dollars supplémentaires sont dépensés par les pays de l'OTAN depuis ma visite l'année dernière, à ma demande, mais ce n'est pas assez. Les États-Unis dépensent trop. Les frontières de l'Europe sont mauvaises ! Les dollars de pipeline vers la Russie ne sont pas acceptables ! »

Le 4% est un vrai objectif. Point

Le lendemain, jeudi 12 juillet, le président Trump enfonce le clou, alors que tout un chacun s'évertue à dire que l'ambiance est bonne et que le 4% est plutôt une parole en l'air de politicien.

« Les présidents essaient sans succès depuis des années d'amener l'Allemagne et d'autres pays riches de l'OTAN à payer davantage pour leur protection contre la Russie. Ils ne paient qu'une fraction de leur coût. Les États-Unis paient des dizaines de milliards de dollars de trop pour subventionner l'Europe et perdre gros sur le commerce ! »

« Et par dessus tout ça, l'Allemagne vient de commencer à payer la Russie, le pays dont elle veut la protection, des milliards de dollars pour ses besoins en énergie provenant d'un nouveau pipeline en provenance de Russie. Ce n'est pas acceptable ! Toutes les nations de l'OTAN doivent respecter leur engagement de 2%, et cela doit aller jusqu'à 4% !  »

La conférence de presse finale est une démonstration entre le soutien à une OTAN forte, America first et le côté injuste de l'engagement américain par rapport à celui des Européens

Jens Stoltenberg corrige le tir durant la conférence de presse finale louant l'effort des pays alliés depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump (ce qui est mieux que le langage utilisé depuis le début qui faisait référence justement au sommet du Pays de Galles, c'est-à-dire à l'ennemi juré de D. Trump, Barack Obama. Le président s'en réjouit « Un grand succès aujourd'hui à l'OTAN ! Des milliards de dollars supplémentaires payés par les membres depuis mon élection. Grand esprit ! »

Il lance un « Merci l'OTAN ! » en quittant la réunion.

Le festival Trump continue ! Ou comme le dit un chef de gouvernement, le problème c'est qu'il a le wifi dans l'avion...

(tweets rassemblés et commentés par Nicolas Gros-Verheyde et Aurélie Pugnet)

Article modifié le 12 juillet à 16h45.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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