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Europe de la défense. Un quintet à l’action (V2)

(B2) On l’oublie bien souvent mais la construction européenne n’est pas faite que de plans d’actions, de déclarations, de réglementations et de conclusions de sommets. Il y a aussi la puissance et le relationnel des hommes

Michel Barnier et Antonio Tajani se retrouvent au Parlement européen, juillet 2017 (crédit : PE)

Si on observe la direction européenne actuelle, on peut être frappé par l’existence d’un groupe d’hommes et de femmes — un quintet — qui, malgré certaines nuances, partage une même volonté d’avancer sur les questions de défense européenne.

Un quintet à la tête des institutions européennes

A la présidence de la Commission européenne, on a Jean-Claude Juncker (PPE), qui est depuis des années un chantre de la défense européenne. Une conviction qui ne l’a pas abandonnée et que cet ancien Premier ministre luxembourgeois porte depuis des années, depuis le traité de Maastricht mais plus particulièrement depuis le début des années 2000 (lire aussi : L’Europe est capable de nous surprendre (Juncker)).

En charge de la négociation du Brexit, et un des personnages sans doute les plus connus au-delà des frontières, on retrouve Michel Barnier (PPE) qui était président du groupe de travail ‘défense’ et un des deux représentants de la Commission européenne à la Convention (avec Antonio Vitorino) qui a préparé à la Constitution européenne en 2002-2003. Il a ensuite été commissaire chargé du Marché intérieur en 2010-2014, met en œuvre le paquet défense de la commission précédente (axé sur le marché) mais surtout prépare une nouvelle communication qui pose les bases d’une évolution future de la défense (recherche de défense financée par l’Union européenne, capacités de protection civile, présence dans l’espace, etc.). Il devient ensuite ‘conseiller défense’ du président de la Commission Jean-Claude Juncker, avant de prendre en charge la négociation du Brexit. Autant dire un de ceux qui a le mieux suivi les différentes tentatives récentes pour faire de ce sujet une thématique européenne.

En charge de la diplomatie européenne et de la politique européenne de sécurité, l’Italienne Federica Mogherini, ancienne ministre des Affaires étrangères italienne, a été en charge de gérer la crise migratoire directement à Rome. Elle a assisté à une certaine absence de solidarité européenne, et, critique, en a tiré pour l’avenir des leçons.

Idem pour le Grec Dimitris Avromopoulos, ministre de la Défense grec au moment de la crise migratoire, convaincu d’emblée d’une intégration plus profonde de l’Europe sur des questions de sécurité.

De façon plus discrète, mais non moins efficace, la commissaire à l’Industrie, la polonaise Elżbieta Bieńkowska, a été l’architecte (avec ses équipes de la DG Grow de la Commission) de décisions permettant le financement sur les fonds communautaires de la défense, faisant de l’Union européenne (à terme) un acteur majeur de la R&T (recherche et technologie) et R&D (recherche et développement) de défense en Europe.

A quelques pas de là, à la présidence du Parlement européen, on retrouve l’Italien Antonio Tajani (PPE), qui était commissaire en charge de l’Entreprise et des Industries de 2010 à 2014, et le compère de Michel Barnier pour la communication de 2013 sur la Défense, et une bonne dizaine d’eurodéputés (les Français Arnaud Danjean et Françoise Grossetête, l’Allemand Michael Gahler, la Portugaise Ana Gomes, l’Estonien Urmas Paet etc.) avocats acharnés d’avancées dans le domaine.

Une volonté de plusieurs États membres

Dans les États membres aussi on retrouve toute une équipe de dirigeants parallèlement convaincus qu’il faut avancer sur ce plan de la défense européenne. Ils peuvent être très opposés au point de vue politique, soutenir ce projet pour des raisons différentes, mais ils se retrouvent sur ce principe. De Emmanuel Macron à Viktor Orban, en passant par l’Allemande Angela Merkel, l’Espagnol Pedro Sanchez, l’Estonien Jüri Ratas, le Finlandais Sauli Niinistö ou le Grec Alexis Tsipras, chacun est convaincu qu’il faut aller plus loin dans une certaine vision européenne de défense, de renforcement des capacités, voire (pour certains) d’une action plus efficace.

L’importance du facteur humain

On a ainsi un ‘contexte politique favorable’ qui explique pourquoi, outre toutes les autres raisons (le contexte américain, les menaces, le contexte intérieur), il y a certaines avancées aujourd’hui là où hier elles étaient moins sensibles. Ce facteur ‘humain’ est un point souvent oublié dans toutes les explications politiques, mais qu’il faut garder à l’esprit.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour – précisions apportées sur les acteurs au sein de la Commission européenne et du Parlement européen (14.11)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).