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Du Sahel aux régiments, l’armée française encaisse des coups face au coronavirus

(B2 à Paris) Avec de premiers rapatriés du Sahel et 600 soldats malades en France, les armées commencent à encaisser les effets du coronavirus. Du côté du ministère, on l’assure pourtant : les opérations se poursuivent sans conséquences majeures. Dans les régiments, la prise en compte de l’épidémie semble plus aléatoire

Coordination aérienne à l’opération Barkhane lors de l’opération Monclar (crédit : DICOD / EMA)

Sahel et coronavirus

Premiers rapatriements

Malgré sa discrétion sur le sujet, l’état-major français des armées (EMA) avait dû annoncer jeudi (2 avril) dernier de premiers cas détectés sur l’opération Barkhane. Suite à un dépistage effectué par le service de santé des armées et un laboratoire civil local, quatre officiers ont été diagnostiqués positifs, dont un est traité sur place et trois ont été rapatriés en France. Un cinquième, qui présentait des symptômes mais n’a pas été testé, est également rentré.

Quarantaine et opérations

L’état-major explique que « tous les cas ‘contact’ ont été identifiés et placés en quatorzaine en zone dédiée. Ils font l’objet d’une surveillance médicale renforcée », sans pouvoir préciser le nombre de personnes concernées. La même source assure que « ces cas de contamination, de même que les dispositions prises pour préserver le personnel de la force n’ont pas d’impact sur les opérations, qui se poursuivent à un rythme soutenu ».

Opérations conjointes

De même, les opérations menées avec les pays partenaires sur place se poursuivent. L’EMA explique que la nature de la coordination permet de respecter les règles de distanciation. Au quotidien, les soldats français et alliés ne sont pas dans les mêmes véhicules et ont une certaine distance physique entre eux.

Adaptation des relèves

Depuis l’apparition des premiers cas, le service de santé des armées français s’est coordonné avec les pays hôtes de l’opération Barkhane pour définir un protocole strict lors de l’arrivée de nouveaux militaires. Des périodes d’isolement d’une durée supérieure à 14 jours ont été mises en place, soit sur le théâtre lorsque c’est possible, soit en France sur trois sites différents qui sont gardés secrets. A noter que sur Barkhane, le gros des relèves est attendu courant de l’été. Des relèves d’aéronefs ont été retardées pour ces mêmes raisons.

En France, peu de confinements chez les militaires

600 cas en France

En France, le ministère des Armées refuse de donner des détails sur les militaires contaminés, préférant éviter de rentrer dans une communication chiffrée trop pointilleuse et chronophage. Interrogée par le groupe de presse régional Ebra samedi (4 avril), Florence Parly est donc restée évasive : « Nous avons environ 600 militaires atteints. Cela correspond à un ordre de grandeur, car il est évolutif. » En interne, des chiffres et des suivis remontent de manière quotidienne ou presque.

Un confinement plus ou moins respecté

La semaine dernière, un aviateur confiait à B2 les hésitations de son commandement direct, qui peinait à trouver comment appliquer les consignes du ministère. « Sur les différents groupes de discussions que nous avons mis en place, ils sentent l’inquiétude monter », confie le militaire. Dans son unité, les équipages alternent des vols où ils sont collés les uns aux autres, avec des retours dans leurs foyers, en espérant ne pas avoir été contaminés par les collègues. De nombreux témoignages de ce type ont été diffusés dans la presse ou par de jeunes militaires eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Les séances de sport ou d’entrainement se poursuivent ainsi alors que les soldats vont et viennent en dehors des bases, sans réel contrôle. Dans les régiments, c’est la rumeur qui prévaut sur les cas de collègues malades.

Une « population qui résiste bien »

Une source au sein du ministère des Armées, qui réclame l’anonymat absolu, estime qu’il n’y a pas de raisons de s’inquiéter sur le volume actuel de contaminations : « Globalement, nous avons une population jeune, qui a vocation à plutôt bien résister au Covid. Il faut considérer l’aspect particulier du métier de militaire : même dans un contexte particulier, nous n’allons pas nous demander d’arrêter de protéger les Français. »

(Romain Mielcarek)

Romain Mielcarek

Romain Mielcarek est journaliste spécialisé défense et international. Correspondant de B2 à Paris, il collabore également avec DSI, RFI et Le Monde Diplomatique. Titulaire d'une thèse de doctorat en sciences de l'information et de la communication, il mène par ailleurs des recherches académiques sur l'influence militaire. Son dernier ouvrage : "Marchands d'armes, un business français" (Tallandier, 2017).