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La No Fly Zone, c’est Non, disent les Alliés. Trop dangereux, trop compliqué

(B2) Lors de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, mercredi (16 mars), le sujet a, à peine été effleuré. Et pour cause. Aucun allié de l’OTAN ne plaide réellement pour l’instauration d’une interdiction de l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine. Pour plusieurs raisons d’ordre politique, technique et militaire.

L’imposition d’une No Fly Zone sur l’Ukraine supposerait de pouvoir avoir une base proche ou à défaut de pouvoir décoler d’un porte-avions. Un Rafale sur le pont du Charles-de-Gaulle (Photo : Marine nationale / EMA – Archives B2)

Premièrement, une No Fly Zone « suppose un engagement direct, qui n’est pas uniquement défensif, mais très offensif. Il faut être capable d’abattre tout avion russe, non seulement qui se trouverait dans la zone définie, mais aussi car il pourrait atteindre la zone définie. C’est une mesure de belligérance de haute intensité » explique à B2 un diplomate de l’Alliance. Cela transformerait totalement le conflit ukrainien en un champ de bataille entre l’Alliance et la Russie (cf. encadré). Ce que ne veulent à tout prix aucun allié.

Deuxièmement, le nombre d’Alliés en capacité de faire respecter une telle No Fly Zone est finalement « en nombre assez limité ». On peut les compter sur les doigts d’une main : USA, Royaume-Uni, France, voire Turquie.

Troisièmement, à cela il faut ajouter l’étendue de la zone qui serait à couvrir, sans compter la Crimée — zone russe même si elle n’est pas reconnue par la communauté internationale — et les abords de l’Ukraine, au Nord (Biélorussie ou Russie), comme à l’Est (Russie). Bref, il ne faudrait pas une cinquantaine d’avions, comme pour l’opération d’anéantissement de la flotte aérienne libyenne en 2011. Mais bien davantage. Avec un risque conséquent de voir plusieurs avions alliés être abattus.

Enfin, les Russes, même s’ils causent de gros dégâts lors des bombardements, n’ont pas atteint aujourd’hui la maitrise du ciel. Et la livraison de moyens de défense aérienne aux Ukrainiens, sous forme de missiles Stinger, de batteries anti-missiles S-300 ou autres matériels, comme la fourniture de drones, serait tout aussi efficace. Ils pourraient très vite faire vivre un enfer aux avions russes, de manière quasiment aussi efficace qu’une No Fly Zone.

(Nicolas Gros-Verheyde)

De la difficulté d'établir une No Fly Zone. Faire respecter une zone d'exclusion aérienne suppose non seulement de contrôler le ciel de la zone, mais aussi au préalable de détruire systématiquement au sol toute capacité de réaction possible : avions, défense anti-aérienne. Et aussi de veiller à ce qu'autour de cette zone, il n'y ait pas de capacité possible de réaction. Avec la Russie et la Biélorussie aux alentours, tout comme la Crimée ou le Donbass et les zones déjà conquises par les Russes (Kherson par exemple), cela apparait très difficile. En fait pour pouvoir être efficace, à moindre coût, la No Fly Zone doit être déclenchée par anticipation avant le début des opérations. C'est donc dès janvier, voire l'année dernière que les avions de l'OTAN auraient dû se déployer au-dessus de l'Ukraine, afin d'assurer la maitrise du ciel. Quitte à se heurter alors à l'aviation ou la défense anti-aérienne russe (basée dans le Donbass ou en Crimée). 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).