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[Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens (v4)

(B2) Les marins de l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta ont repéré un navire de pêche capturé par les pirates la semaine dernière au large du Puntland.

Boutre de Pêche AlMeraj1 (photo : Eunavfor Atalanta)

Capturé la semaine dernière

Battant pavillon iranien, le Al-Meraj 1, ce boutre de pêche (ou dhow) aurait été capturé par les pirates au large de Eyl (Puntland), mercredi dernier (22 novembre), selon les informations du MSCHOA / MICA Center de Brest (qui assure la veille informationnelle dans la zone de l'Océan indien pour l'opération européenne). A bord de deux skiffs, les pirates avaient — selon une méthode bien rodée à la fin des années 2010 — placé des échelles pour aborder le dhow à la coque bleue et blanche, menaçant l'équipage avec des armes de type AK47 (Kalachnikov) et RPG (lance-grenades). Puis ramenant leur proie sur la côte.

Suivi par voie aérienne et localisé très au large des côtes

L'opération navale de l'Union européenne a, depuis plusieurs jours, déployé des « moyens dédiés » pour localiser le navire, notamment l'avion de patrouille maritime de l'opération basé à Djibouti (un Casa Vigma) et un drone de bord de type Scan Eagle. Ses deux navires, la frégate italienne Durand de la Penne et la frégate espagnole Victoria se sont relayés pour « suivre de près les mouvements du boutre et signaler sa position ». Et le dhow intercepté au large des côtes du Puntland (Somalie) « à plus de 230 milles marins » des côtes somalienne.

Un suivi à la trace durant plusieurs jours

Depuis le moment de l'interception, le boutre a été suivi à la trace. Les navires marchands étant informés de la présence d'un bateau suspect dans la zone. Finalement, ayant perdu ses deux skiffs remorqués et les conditions météorologiques étant défavorables, le Al Meraj 1 a viré de bord, et remis le cap sur les côtes du Puntland, toujours étroitement surveillé par les unités d'ATALANTA, Le navire « navigue pour l'instant vers les côtes somaliennes sous la surveillance des moyens d'EUNAVFOR », indique le QG de l'opération situé à Rota (Espagne) à B2 vendredi (1er décembre).

Un usage possible de bateau-mère

Hors de question en effet pour les marines européennes de laisser un tel navire. Il aurait fort bien pu servir de bateau-mère pour « faciliter de nouvelles attaques de pirates contre des navires marchands ». Mais les Européens ne sont pas intervenus. D'après nos informations, la situation à bord est assez « confuse » (1). Il est difficile de préciser dans quelle mesure l'équipage collabore, ou non, avec les pirates. D'où la terminologie prudente utilisée par EUNAVFOR : le boutre « aurait été enlevé par des pirates ».

Escorté par une frégate espagnole

Dès que le boutre de pêche sera dans les eaux territoriales somaliennes, ce sera aux Somaliens de prendre le relais. L'opération européenne n'ayant plus d'autorisation de pénétrer dans ces eaux, la résolution du Conseil de sécurité des nations unies, n'ayant pas été renouvelée. La position exacte du Al Meraj 1 a ainsi été communiquée aux forces de police somaliennes, précise l'opération dimanche (3 décembre). Des forces somaliennes habituées à interagir avec leurs homologues européens, ayant été souvent formées ou invitées à s'entrainer à bord des navires d'Atalanta.

Une rançon demandée

Les ravisseurs exigeaient, selon le média somalien Garowe Online, du propriétaire du navire le versement d'une rançon de 400.000 $. Les responsables de l'opération Atalanta ont lancé un appel à la vigilance. Recommandant à tous les navires dans la zone de « s'inscrire dans le système d'enregistrement volontaire (VRS) du MSCHOA », le centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, situé à Brest.

Alertes sur le Golfe d'Aden

Plusieurs alertes ont été lancées ces derniers jours par les autorités maritimes (MSCHOA et UKMTO). Mercredi (29 novembre), plusieurs capitaines ont ainsi repéré un petit canot suspect dans les parages du Golfe d'Aden. Lundi (27 novembre), un canot avec trois personnes à bord s'est approché d'un navire marchant à 60 nautiques au sud de Aden au Yémen. Le canot a suivi le navire pendant une heure avant de changer de direction.

Deuxième capture

Un second dhow iranien aurait été capturé au large du Puntland, mercredi (29 novembre), le Al Ashkaan, selon les autorités maritimes de l'UE contacté par B2.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. L'histoire ne dit pas si le navire de pêche avait une autorisation en bonne et due forme pour pêcher dans la zone. L'opération reste aussi prudente sur les circonstances entourant la capture par les pirates.

Une résurgence ?

La piraterie somalienne n'est plus aussi effective que dans la fin des années 2010. Mais elle surgit de temps à autre. La dernière attaque d'envergure, recensée par B2, avait eu lieu en août 2021 contre un cargo battant pavillon turc, au nord de la capitale somalienne (lire : tentative d'attaque de pirates au large de Mogadiscio).

En avril 2019, un navire militaire espagnol de Atalanta avait intercepté un navire de pêche yémenite utilisé par les pirates (lire : Les pirates repartent à l’attaque. Un bateau-mère stoppé net dans l’Océan indien) ; les ravisseurs arrêtés avaient été transférés aux Seychelles pour jugement (lire : Les cinq pirates arrêtés par les Espagnols transférés aux Seychelles).

En février 2018, c'était un tanker battant pavillon de Singapour mais appartenant à un armateur letton qui avait été attaqué au large des côtes somaliennes (lire : Un chimiquier letton attaqué par les pirates au large de la Somalie). En avril 2017, c'était un dhow indien qui avait capturé par les pirates.


Lire aussi :

Corrigé et complété le 1.12 à 19h35 - le boutre de pêche n'a pas été libéré, mais juste intercepté et suivi à distance. Précisions aussi sur les moyens employés et la situation à bord. Mis à jour le 3.12 sur la remise aux autorités somaliennes (précisions sur les conditions météo et circonstances du suivi du navire) + la capture d'un second navire.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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