[Billet] La levée des sanctions UE sur la Russie au bout du tunnel de la négociation ?
(B2) En cas d'accord entre Russie, Ukraine et USA, certaines sanctions prononcées par l'UE devraient être levées. Parmi elles, l'immobilisation des avoirs publics russes. Question très sensible.
1. Un enjeu de négociation
Le Secrétaire d'Etat US Marco Rubio l'a dit clairement l'autre jour face à la presse en Irlande. Cette question (des sanctions et des avoirs gelés) fera partie de la négociation. Évidemment! « Les Russes l'évoqueront». Et, pour qu’il y ait une paix en Ukraine, « à la fin de ce processus, il faudra que les Européens prennent une décision sur ce qu’ils vont faire avec ces sanctions et ainsi de suite » (lire : [Verbatim] Russie-Ukraine. La levée des sanctions sera la participation européenne au processus de paix (Marco Rubio)
NB : dans le terme Européens j'englobe non seulement les 27 de l'Union européenne mais aussi le Royaume-Uni (UK), la Norvège et la Suisse, entre autres, qui ont établi des régimes similaires de sanctions.
2. Avaler son chapeau
Les "Européens" vont devoir détricoter ce qu'ils ont construit patiemment, tout l'arsenal des sanctions. Débloquer les avoirs publics gelés (on dit "immobilisés") serait particulièrement délicat, symboliquement, politiquement et... financièrement. Ce sont les revenus exceptionnels (intérêts) qui gagent le méga-prêt de 50 milliards consenti à l'Ukraine. Ils permettent en fait de rembourser le prêt sans que cela coût un sou (en théorie) aux Européens.
3. Un accord de tous
On peut voir cet aspect comme une "humiliation" imposée par les Américains et Russes, de concert aux Européens. Ce sera en effet difficile pour la Haute représentante Kaja Kallas, ancienne Premier ministre estonienne ,de devoir faire une proposition aux 27. C'est son rôle malheureusement. Idem pour les sanctions économiques (c'est la Commission qui est à l'initiative alors). Bien sûr, un État membre peut apposer son veto à cette proposition. Mais c'est risqué. Les sanctions sont renouvelées tous les six mois : mars et septembre (listes noires), juillet et janvier (sanctions économiques). Qu'un seul État membre refuse alors de renouveler. Et c'est tout le dispositif qui tombe (pas seulement quelques sanctions). Risqué...
4. On peut y voir aussi un formidable levier
Les Européens (Union européenne + Royaume-Uni, Norvège, etc.) peuvent refuser, tergiverser, minorer la levée des sanctions. Comme le dit le secrétaire d'État US, ils doivent forcément être impliqués. Les Européens pourraient retrouver là un rôle de premier plan, qu'ils ont perdu depuis l'arrivée de Donald Trump. A condition de jouer finement, "groupés" et d'être fermes. Ils pourraient ainsi imposer une certaine vision, notamment en matière de garanties de sécurité pour l'Ukraine aux Américains. Tout est donc question de volonté et de négociation.
5. A condition d'être réaliste
La notion de garanties de sécurité est intrinsèquement dépendante de l'accord de la Russie de près ou de loin. Quoi qu'en dise E. Macron. Il faut une base juridique (cadre international, accord de paix, etc.) pour une véritable garantie de sécurité (= force d'interposition, surveillance aérienne, observation du cessez-le-feu). On ne parle pas juste de formation ou d"entrainement des troupes ukrainiennes. Celui-ci nécessite en effet le seul accord des Ukrainiens (cf. l'opération Orbital UK-CAN entre 2015 et 2021).
(Nicolas Gros-Verheyde)