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L'Europe politique et de la défense (par Nicolas Gros-Verheyde)

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[Billet] Quelques mots sur la visite de Emmanuel Macron à Luxeuil. Mais aussi sur ce qui se passe en Allemagne aujourd’hui

(B2) Loin de l'enthousiasme de certains commentateurs, j'ai tenu sur France Infos Tv à remettre un peu de contexte au moment de la visite du Président de la république sur la base aérienne 116 de Luxeuil et de ses annonces sur le retour du nucléaire sur cette base.

1. Un beau symbole. Le chef d'état au milieu de ses armées. Cela fait toujours du bien au moral. C'est nécessaire pour incarner le rôle de chef des armées. Cela fait surtout une belle photo et un beau coup de com' pour Emmanuel Macron. Mais ce n'est pas la première fois. Le président apparait régulièrement entouré de troupes, pour les voeux aux forces armées notamment. E. Macron aime bien ces images. Cela lui permet d'apparaitre viril et irremplaçable (le Premier ministre n'a pas ce rôle).

2. En fait d'annonce en revanche, c'est pauvre. Le retour de la dissuasion nucléaire aérienne à Luxeuil avec deux escadrons ? (1) L'annonce avait déjà été faite par Cédric Perrin, le sénateur du Territoire de Belfort, et président de la commission des forces armées du Sénat... en juin 2024. Sur la foi d'une lettre officielle de Sébastien Lecornu qu'il avait diffusée publiquement. Et Florence Parly ... en juin 2019 sur cette même base de Luxeuil annonçait déjà l'arrivée d'au moins un escadron de Rafale pour 2032 !

3. Ce qui se passe à Berlin est autrement plus conséquent en changements et évolutions. Le futur chancelier Friedrich Merz a fait passer son "bazooka" de réformes va pouvoir investir à la fois dans la défense et les infrastructures simultanément, jusqu'à 100 milliards de plus par an. En gros pour la défense, il va doubler le budget. Il dit adieu à la protection totale de l'OTAN et prône une "nouvelle communauté européenne de défense" (alias CED un nom lourd de sens et de symbole historique) rassemblant UE, UK et Norvège.

4. L'Allemagne retrouve un rôle central en matière de défense. Berlin vient sur le terrain d'E. Macron, partageant en partie ses idées. Avec trois différences fondamentales. Premièrement, c'est un pays profondément otanien (jusqu'au bout des ongles et de l'histoire) et au centre de l'Europe, la moindre évolution allemande sur ce plan est une petite révolution tectonique pour la plupart des Européens. Deuxièmement, l'Allemagne a les moyens. Quand un Allemand dit qu'il va investir, il peut le faire (2). Idem pour le soutien à l'Ukraine. Troisièmement, le nouveau Chancelier a une majorité au Bundestag pour son plan de dépenser davantage pour la défense (avec le SPD et un soutien implicite des Verts).

5. Pendant ce temps, Donald Trump et Vladimir Poutine tentent de s'entendre sur le dos des Européens (3). En imposant un nouvel ordre de sécurité en Europe. C'est là où le monde se fait. Où les Européens (Français compris) sont malheureusement absents. Quel que soit le résultat de cette rencontre, nous devrons appliquer de gré ou de force ce qui aura été décidé par les deux grands : la levée des sanctions ? la limitation du rôle de l'OTAN en Ukraine ? une force d'observation qui ne sera pas européenne ? (4)

6. D'où l'importance de dire "Oui" à l'idée de nouvelle CED de Berlin. Alias l'Union européenne de défense que défendait Jean-Claude Juncker. Idée reprise par Ursula von der Leyen. Alias le pilier européen de l'OTAN (idée française). Peu importe la terminologie. Il faut "délivrer" selon la terminologie utilisée par les décideurs. Tout de suite.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. « À l’horizon de 2035, Luxeuil sera la première base à accueillir la prochaine version du Rafale et son missile nucléaire hypersonique » a indiqué E. Macron. Il s'agit de « moderniser la base et renforcer ses capacités opérationnelles, à travers un plan de 1,5 milliard d'euros prévu pour accueillir deux nouveaux escadrons de Rafale d'ici à 2035 ».
  2. Le budget allemand qui devance déjà le budget français aura une longueur d'avance puisqu'il pourrait dépasser les 100 milliards rapidement.
  3. Cet article a été écrit avant les dernières évolutions des discussions Trump-Poutine-Zelensky
  4. Les Européens étant cantonnés à la formation des forces ukrainiennes (type opération Interflex ou EUMAM Ukraine).

Version améliorée d'un post sur Linkedin

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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