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Le régime biélorusse détourne un vol de Ryanair et kidnappe un jeune opposant (v7)

(B2) Le régime de Loukashenko vient de franchir une nouvelle étape. Un des principaux opposants biélorusses vient d'être arrêté ce dimanche après l'interception en plein vol de l'avion où il se trouvait

(crédit : Ryanair - images d'archives)

Un coup monté de toutes pièces

Selon les premiers éléments rendus publics, l'affaire est digne des plus beaux romans policiers.

L'hypothèse d'une bagarre à bord comme l'avait raconté Tadeusz Giczan, le rédacteur en chef de @nexta_tv (le média fondé par Protasevic) — qui indiquait : « les officiers du KGB entrent en action, ils provoquent une bagarre avec l'équipage de Ryanair, insistant sur le fait qu'il y a un engin explosif à bord » — n'a pas été confirmée par les passagers à leur arrivée. « Il n'y a pas eu de conflits, il n'y a pas eu de scandales avant le virage de l'avion » vers Minsk, selon Delfi.

Un ordre de la tour de contrôle de faire demi-tour

Contrairement à ce qu'affirme Minsk, ce n'est pas le pilote de l'avion qui a lancé un SOS. Mais le service du contrôle aérien biélorusse qui lui a ordonné de faire demi-tour. « Pour raisons de sécurité. Les autorités ont reçu un email [indiquant la présence d'une bombe] » affirme le contrôle aérien, selon un enregistrement du son dans la cabine du pilote. À ce moment là, l'avion n'est qu'à 90 km environ de l'aéroport de Vilnius, il a d'ailleurs déjà amorcé sa descente. Et il est à 200 km de Minsk. NB : en termes de sécurité, la logique est d'aller vers l'aéroport le plus proche, Vilnius.

Les Mig 29 entrent dans la danse pour intercepter le Boeing

Un (ou deux) avion Mig29 biélorusse fait (font) irruption, à côté du Boeing 737-8AS. Il enjoint au pilote de le suivre, avec l'inscription 'Follow me'. Ce qui est normalement un ordre impératif que tout pilote civil doit exécuter. L'avion était armé apparemment avec six missiles air-air sont visibles — indiquent les fanas du site d'aviation Aviatica — : « quatre de type [Vympel] R-73L [codif Otan : Archer] et 2 de type [Vympel] R-27R [codif Otan : Alamo] ». Le Mig 29 a ensuite escorté l'avion civil jusqu'à son atterrissage à l'aéroport de Minsk, avant de retourner à sa base de Baranovichi.

L'avion Mig29 de retour à sa base (vidéo Aviatica - sélection B2)

Un hélicoptère Mi24 était également de sortie, selon la sherpa du président lituanien, Asta Skaisgirytė.

Immobilisé par ordre de Lukashenko

À l'arrivée à Minsk, les services de sécurité prennent le relais, pénétrant dans l'avion, et n'ont plus qu'à arrêter l'opposant. Juste avant que les militaires ne l'emmènent, R. Protasevičius a le temps de dire aux passages à côté de lui : « ils m'exécuteront. Je vais mourir ici. »

L'appareil est ensuite « immobilisé sur ordre du chef de l'État » selon le département du ministère de l'Intérieur pour la lutte contre le crime organisé et la corruption (HUBAZiK), cité par le média Belsat. L'inspection de l'avion dure environ trois heures, selon le média lituanien Delfi. Des chiens reniflent les bagages. Les identités de chaque passager sont contrôlées. Le vol FR 4978 de la compagnie irlandaise * qui devait arriver à 13h à Vilnius n'arrivera pas tout de suite...

Une forte condamnation européenne

Un véritable rapt d'État

Un procédé très interpellant qui pourrait s'assimiler à un rapt d'État. L'émotion est vive notamment dans les pays baltes, voisins de la Biélorussie. « Un événement sans précédent ! Le régime est derrière cette action odieuse » dénonce le président lituanien, Gitanas Nausėda.

« Une violation scandaleuse du droit international et un acte de terrorisme soutenu par l'État. Une autre ligne rouge a été franchie » dénonce l'eurodéputée Sandra Kalniete, ancienne ministre lettone des Affaires étrangères.

L'émotion pourrait gagner toute l'Europe. « Ce n'est rien de moins qu'un acte de piraterie » lâche l'ancien ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bild. « Si vraiment il y avait urgence, l'aéroport de Vilnius était clairement plus proche. »

Un sujet pour le sommet européen

L'émotion gagne peu à peu toutes les capitales européennes. « Nous appelons les autorités biélorusses à libérer immédiatement le vol et tous ses passagers » vient d'indiquer Charles Michel, le président du Conseil européen via twitter. « Une enquête de l'OACI [l'organisation de l'aviation civile internationale] sur l'incident est indispensable ».

Le sujet pourrait être évoqué lundi soir lors du dîner des chefs d'État et de gouvernement, réunis en présentiel à Bruxelles. L'affaire ne peut rester en effet sans réponse, concernant un vol effectué par une compagnie européenne entre deux villes européennes.

(mise à jour) Dimanche, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki demande à mettre cette question sur l'agenda du sommet européen de lundi. Et « de discuter de sanctions immédiatement contre le régime Lukashenko ». « Kidnapper un avion civil est acte sans précédent : du terrorisme d'État. Cela ne peut rester impuni. »

Le Premier ministre grec fait la même demande.

Et, finalement, vers 20h20, la nouvelle tombe officiellement. Le sujet est mis à l'ordre du jour du Sommet. « Les conséquences et de possibles sanctions seront discutées à l'occasion » indique le porte-parole de Charles Michel.

Pour le secrétaire général de l'OTAN qui s'exprime via twitter, « il s'agit d'un incident grave et dangereux qui nécessite une enquête internationale ».

L'avion a atterri à Vilnius un peu avant 21h. Manquent à l'appel deux Biélorusses (Protasevic et son amie) et quatre Russes (dont l'identité reste inconnue), selon le ministère polonais des Affaires étrangères.

(Nicolas Gros-Verheyde)

* En fait exploité par la filiale polonaise, Ryanair Sun ou Buzz

Toute l'Europe concernée. Sur les 171 passagers à bord, on trouve des passagers de nombreuses nationalités européennes. Sur 149 passagers (pour lesquels l'information est connue, selon le ministre lituanien des Affaires étrangères), la majorité sont Lituaniens (94). On trouve également 11 Grecs, 9 Français, 5 Roumains, 4 Biélorusses, 4 Polonais, 3 Allemands, 1 Autrichien, 1 Belge, 1 Bulgare, 1 Chypriote, 1 Espagnol, 2 Lettons, 3 Russes, 1 Géorgien, 2 Syriens.

Papier complété avec les réactions de Charles Michel, du premier ministre polonais du premier ministre grec, de Jens Stoltenberg / Nombre de passagers à bord / Confirmation de l'inscription au sommet européen / Détails concernant l'interception de l'avion / Témoignages des passages à l'arrivée et correction de la première version sur un incident avec des agents à bord

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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