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Jerusalem capitale de deux Etats, reculade ou avertissement

(BRUXELLES2) Le conseil des Ministres des affaires étrangères qui vient de se terminer mardi a, en bonne partie, été consacré à quelques mots entre parenthèses (on dit "brackets" dans le langage franglais des couloirs européens). Le Proche-orient est, en effet, une des questions sur lesquelles les Européens ont le plus de mal à offrir un point de vue uni, original et percutant. En général, ils se bornent donc à suivre les positions du Conseil de sécurité. Entre pays plutôt pro-palestiniens (Suède, Autriche , Espagne...) et pays plutôt pro-israéliens (rép. Tchèque, Italie...), l'UE offre toute une palette de positions.

Le texte suédois, soumis au Conseil, a suscité des remous, car il était assez dur avec un appel à la négociation immédiate et précisant, de façon claire, les limites de l'Etat palestinien: la Cisjordanie (rive ouest du Jourdain) - en incluant Jerusalem Est - et Gaza. Ce qui, en soi, n'est une révolution puisque l'assemblée générale de l'ONU n'a jamais reconnu l'annexion de Jerusalem Est par les Israéliens et l'a toujours incorporé dans les Territoires occupés. Mais en le juxtaposant avec la nécessité d'un Etat de Palestine "indépendant, démocratique, contigü et viable", cela a semé le trouble un peu partout dans le monde, à commencer par une importante pression israélienne.

Les points intéressants

Après quelques heures de discussion cette délimitation géographique a été enlevée. Mais les conclusions du Conseil demeurent dans toute leur vigueur. Je perçois quatre points intéressants :
• L'UE appelle à la « reprise "urgente" des négociations qui doivent conduire à une solution de deux Etats, avec un Etat d'Israël, et un Etat de Palestine indépendant, démocratique, contigu et viable (tous les mots sont importants), vivant côte à côte en paix et en sécurité ».
• L'UE rappelle également « qu'elle ne reconnaîtra jamais l'annexion de Jerusalem Est. Et qu'une voie doit être trouvé à travers des négociations (les mots ont été conservés) pour résoudre le statut de Jerusalem comme capitale future de deux Etats. »
• Plus généralement l'UE « ne reconnait aucun changement des frontières d'avant 1967, en incluant Jerusalem » (les mots qui figuraient entre parenthèses ont été conservés)». Elle appelle le gouvernement d'Israël « à mettre fin immédiatement à toutes activités de construction, à Jerusalem Est et dans le reste de la Cisjordanie, et de démanteler toutes celles qui ont été érigées depuis 2001 ».
• L'UE estime « inacceptable et politiquement contreproductive la politique continue de fermeture » de Gaza. Elle « réitère sa demande d'une ouverture immédiate, inconditionnelle et soutenue du passage pour l'aide humanitaire, les marchandises commerciales et les personnes de et vers Gaza ».

Rien de nouveau vraiment

Selon les spécialistes du Proche-Orient, Oui et Non. Ces mots là ont déjà été entendus d'une certaine façon de part et d'autre. Et cela ne reste que des mots. Mais les mots sont une grande partie de la diplomatie. Et il faut bien veiller au sens.
1° Ces mots là sont repris par les 27, y compris par des Etats qui n'ont pas vraiment condamné l'offensive sur Gaza (la république Tchèque par exemple il y a un an avait une position très différente). Elle les engage donc.
2° Les mots également sont assez durs et clairs. Il n'y a aucune ambiguïté possible : deux Etats, séparés, autonomes, viables, avec Jérusalem comme capitale (pour les deux), la fin des colonies de peuplement, reprise des négociations immédiate. C'est important de le rappeler de temps à autre.
3° Enfin, l'Union européenne montre qu'elle a quelque chose à dire et qu'elle compte. Que "ses" mots à elle ont du poids quand ils sont prononcés. Qu'il n'y a pas dans ce "concert mondial" que les Etats-Unis qui peuvent faire entendre leur voix.

Ce faisant la présidence suédoise a perdu quelques mots dans la bataille - mais qui sont de toute façon suggérés dans le reste du texte - mais a gagné de replacer l'UE dans le champ de la diplomatie mondiale. D'une certaine façon, ils demandent à Catherine Ashton, la nouvelle Haute représentante de l'UE, de s'en saisir. Elle a ainsi une feuille de route approuvée. Dont elle ne pourra pas trop dévier.

(NVG)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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