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[Editorial] Le retrait français du Niger. Inéluctable, tardif

(B2) Le retrait de l’ambassadeur français du Niger était inéluctable. De même que le retrait des soldats français. Il aurait été sans doute plus sage et plus avisé de le faire plus tôt. Sans ce bras de fer inutile et finalement perdu.

La décision prise par le président Emmanuel Macron était la seule possible. Annoncée dimanche (24 septembre) au détour d’une interview télévisée bien préparée (1) sur TF1 et France 2, elle interpelle.

Le fond et la forme

Si sur le fond, la position française est logique — refuser de composer avec une junte militaire et considérer le président élu Mohamed Bazoum comme la seule autorité légitime — la forme est beaucoup plus discutable. Camper comme un matamore sur une position ferme — nous ne bougerons pas —, pour ensuite, plier bagage, sans tambours ni trompettes est plutôt incompréhensible. Aucune justification concrète n’est donnée à ce revirement. La seule explication valable étant que la situation était politiquement, militairement et moralement intenable.

Mali, Niger, bis repetita

La même situation s’était produite au Mali où, dans un premier temps, les Français avaient dit, nous ne partirons pas, puis avaient finalement plié bagage, clôturant l’opération Barkhane (lire : Le retrait du Mali : une sacrée défaite française). Au final, l’image et la réputation de la France en sort écornée. Elle laisse l’impression que si une junte militaire est ferme et droite dans ses bottes dans le refus de la coopération, la France après avoir dit haut et fort ce qu’elle pense, rompt le camp. C’est un très mauvais signal envoyé à tous nos alliés en Afrique et un bel encouragement pour de futurs coups d’État.

Un repli sur le territoire européen ?

En même temps, ce départ signe, avec celui qui l’a précédé au Mali, la fin des grosses opérations extérieures conduites par l’armée française (2) en Afrique, voire même dans le monde. Le repli est ainsi sonné vers la défense du territoire national et de l’espace européen. La visite du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, en Moldavie, est un signe notable de cette évolution. Un changement tactique, plutôt que stratégique pour l’instant (3).

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. À la 27e minute sur une question de relance, apparemment bien concertée avec l’Élysée, de la présentatrice du 20h de TF1, Anne-Laure Coudray
  2. L’opération Chammal en Iraq pourrait faire exception. Mais elle se déroule de façon très discrète et, surtout, dans une coalition (conduite par les Américains et non les Français).
  3. Cela ne signifie pas la fin des engagements extérieurs. La France conserve un nombre non négligeable  de points d’appui en Afrique ou ailleurs dans le monde, qu’il s’agisse de bases militaires accueillies par les pays africains (Djibouti, Tchad, Côte d’Ivoire, Sénégal, etc.) ou du Moyen-Orient (Émirats arabes unis), ou des départements et territoires d’outre-mer (Guyane, La Réunion, Nouvelle Calédonie, etc.).

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).