Analyse BlogHistoire européenne

[Editorial] Politique étrangère européenne. La marche ratée de Maastricht

(B2) Malgré tous les discours officiels, la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne n'a pas connu avec Maastricht le saut espéré. 30 ans après l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, l'Europe ne marche toujours pas sur deux pattes. L'une économique, l'autre politique.

Conseil européen extraordinaire au Palais d'Egmont à Bruxelles le 29 octobre pour célébrer l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht. Au premier plan, Jacques Delors. (Photo : Commission européenne)

À l'origine, l'ambition était grande. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de poser les bases d'une politique étrangère vraiment commune. Dans les propositions faites par la Commission Delors, en 1990, le cadre est posé : lieu de décision unique au Conseil, majorité qualifiée pour les décisions de politique étrangère, compétence des ambassadeurs du Coreper pour préparer les décisions, consultation ou information du Parlement européen, mise en place d'un embryon de service diplomatique au sein du Conseil, une clause de solidarité, etc.

De tout çà, il ne restera quasiment rien. Bien sûr, la politique étrangère est incluse dans le Traité. On prévoit une discussion entre les États membres au sein du Conseil. On met en place un mécanisme de décision, l'action commune. Mais on est bien loin de l'ambition de départ. Les ajouts de Maastricht consistent surtout à faire un peu de toilettage à la coopération politique qui préexistait, sans lui donner cependant les outils, les processus ni les moyens pour aboutir à ce que l'Europe parle d'une seule voix. « La machinerie mise en place ne marchera pas » lâche  Jacques Delors, un rien amer en décembre 1991. « C'est là un des plus grands sujets de déception pour la Commission (européenne). »

Les réticences des uns — Allemagne notamment, France aussi mais aussi certains "petits" pays inquiets de la communautarisation de certains sujets — auront raison de l'ambition. L'éclatement du conflit en Yougoslavie, achèvera la réflexion. L'accord des Douze se fera finalement sur la monnaie unique, la Grande réalisation du Traité de Maastricht. Mais le saut en matière étrangère sera reporté à plus tard.

Une partie de ces propositions se retrouve un quart de siècle plus tard dans le Traité de Lisbonne, mais pas en totalité. Et sans avoir l'efficacité des propositions de 1990. Les autres propositions (majorité qualifiée par exemple, lieu de décision unique...) sont encore dans l'impasse. Et cela pèse aujorudh'ui sur la « voix de l'Europe » qui peine à rester unique. La division des Européens sur le conflit actuel entre Israël et Gaza le montre (lire : [Actualité] L’Unité européenne sur Gaza se fracasse à l’ONU).

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi nos fiches (adhérents et B2 Pro) :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®