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L'Europe politique et de la défense (par Nicolas Gros-Verheyde)

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[Billet] Une aide militaire à l’Ukraine… financée par la Russie. D’où vient-elle

(B2) Le ministre des français des Armées annonce 195 millions d'euros d'aide pour l'Ukraine ? Est-ce nouveau ? D'où vient l'argent ? La France est-elle seule à en bénéficier ? Comment cela fonctionne ? etc. Quelques réponses

La France va mobiliser, grâce aux intérêts des avoirs russes gelés, « une nouvelle enveloppe de 195 millions d'euros" pour aider l'Ukraine sur le plan militaire, annonce Sébastien Lecornu, samedi 8 mars, à La Tribune dimanche, comme le rapporte également France-Infos.

Une aide nouvelle ?

Non ce n'est inopiné. Cette aide provient des "revenus exceptionnels" des avoirs publics immobilisés (gelés) dans l'UE. Un dispositif approuvé par l'UE en mai dernier. Les structures financières font le compte chaque semestre et versent au budget européen un montant déterminé. Ainsi ont été débloqués 1,4 milliard d'euros à l'été 2024 (lire : [En Bref] Premiers avoirs gelés russes reversés à l’Ukraine). 1,9 milliard d'euros environ doivent être à reverser au premier trimestre 2025 (lire : [Confidentiel] Ukraine. Une nouvelle tranche de soutien militaire bientôt débloquée. Merci la Russie !). C'était prévu donc de longue date. Et c'est pas une réaction à la position de blocage de l'aide militaire par Donald Trump (contrairement à ce qui est sous-entendu).

2° Comment cela fonctionne ?

Cette "manne" est répartie entre plusieurs pays volontaires. Une demi-douzaine dont la France. Allemagne, Tchéquie, Danemark, Pays-Bas sont aussi de la partie. Cela va servir à acheter directement des matériels, équipements ou munitions, sur une liste prioritaire, afin de les acheminer, en urgence, en Ukraine. La France prévoit (dixit le ministre) des livraisons d'obus de 155 mm et des bombes planantes AASM (pour les Mirage 2000 livrés aux Ukrainiens).

3° Pourquoi ?

Outre d'utiliser les avoirs gelés, ce procédé direct vient compenser le blocage de la facilité européenne pour la paix par la Hongrie. De fait, c'est un moyen de contourner le veto de Budapest. Comme quoi, l'imagination peut être aussi au pouvoir 😉

4° Cela va-t-il durer ?

Non. C'est la dernière tranche qui sera approuvée. A partir du 2nd semestre 2025, les revenus des avoirs gelés ne seront plus destinés à ces achats par les États membres. Les 27 ont décidé de les diriger vers le méga-prêt de 20 milliards euros consentis par les Européens à l'Ukraine. Afin de garantir le prêt... et son remboursement. NB : le prêt est de 50 milliards $ au total (décidé en juin 2024 au G7) et partagé entre tous les membres du G7 (20 milliards $ pour les USA, 3,5 milliards $ pour les trois autres membres : Japon, Royaume-Uni, Canada).

5° L'aide militaire européenne s'arrête ?

Non. En fait, l'aide militaire sera renforcée par ce nouveau dispositif, normalement. Les Européens devraient décider d'en consacrer une bonne partie au militaire. Le montant reste à fixer : entre 10 et 20 milliards $ pour l'Union européenne. Idem pour le Royaume-Uni et le Canada qui contribueront chacun à hauteur d'environ 3 à 4 milliards $.

6° Un tropisme militaire européen ?

En fait, il faut surtout "compenser" la défaillance américaine. Qui a décidé de consacrer 100% de son prêt... au civil. Cette décision ne date pas du Républicain Donald Trump... mais du Démocrate Joe Biden qui a décidé pour contourner l'hostilité du Congrès de passer par la Banque mondiale. NB : le prêt via la Banques mondiale ne nécessite pas d'autorisation, mais les prêts sont uniquement destinés à des usages civils.

7° Conclusion 

Il faut se méfier des effets d'annonce et roulements de tambours. Mais sur l'aide militaire à l'Ukraine, les Européens n'ont pas à rougir, et peuvent même en remonter aux USA. Et pour contourner l'unanimité nécessaire, il y a toujours des possibilités, pas très orthodoxes, mais efficaces...

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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