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Vers une mission EUMM Ukraine ? Le plan B des Européens (maj)

Observateurs de l'OSCE en Géorgie - septembre 2008 (crédit : OSCE)
Observateurs de l'OSCE en Géorgie - septembre 2008 (crédit : OSCE)

(BRUXELLES2 - exclusif) Cette question n'est pas encore à l'ordre du jour. Mais pourrait le devenir très rapidement. La mise en place d'une mission d'observation de l'OSCE en Ukraine se complique en effet. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, il n'y a pas eu d'accord à Vienne mardi soir. Si les Russes sont d'accord sur le principe, ils chicanent sur le détail. Et ils pourraient chicaner longtemps. En 2008, sur la Géorgie, la Russie (membre de l'OSCE) avait ainsi bloqué tout redéploiement de la mission de l'organisation, pourtant déjà sur place, en Abkhazie et en Ossétie du sud.

Une alternative proposées par certains pays

Certains pays - Suède notamment, suivie par la Pologne - ont déjà proposé - si l'option "OSCE" échouait de déployer une mission sous drapeau de l'Union européenne. Une option qu'on se refuse pour l'instant à envisager la haute représentante. Ainsi qu' a expliqué à B2 la porte-parole de Catherine Asthon, « les ministres des Affaires étrangères ont clairement donné le soutien au déploiement de la mission OSCE. C'est notre position et cela le reste. »

Délai dépassé

La réalité c'est que, lundi,  la Haute représentante - relayant le sentiment des autres ministres - escomptait une décision rapide, mardi au plus tard, ainsi qu'elle l'a détaillé devant la presse :

« We have also given our support for the swift deployment of an OSCE Special Monitoring Mission on the ground throughout Ukraine. I hope that such a decision can be taken in Vienna today or tomorrow. »

Ce délai est désormais dépassé. Si du côté de Vienne, à l'OSCE, cela ne se débloque pas, l'option "UE" alternative des Suédois et Polonais pourrait être étudiée.... Les chefs d'Etat et de gouvernement pourraient d'ailleurs se pencher sur ce sujet jeudi. Un peu sur le modèle de ce qui s'était passé en Géorgie. Où, faute de mission de l'OSCE, l'Union européenne avait mis sur pied et déployé, en un délai record de 3 semaines une mission de plus de 300 observateurs, civils (mais la plupart militaires). L'intérêt maintenant est d'aller vite. Car la situation peut rapidement se dégrader ou s'envenimer sur le terrain.

L'expérience européenne

L'expérience d'EUMM Georgia, acquise depuis maintenant 6 ans, peut servir de modèle. Et les Européens disposent déjà sur place d'un petit point d'appui : à Odessa et le long de la Transnistrie. Dans une discrétion quasi-totale, des douaniers européens assurent la formation et l'assistance de leurs collègues ukrainiens (et moldaves), au sein de la mission EUBAM Moldova Ukraine. Les services de gestion de crises du SEAE sont bien rodés maintenant à la mise en place d'une telle mission. Quant aux moyens - en hommes - ceux promis à l'OSCE viennent principalement de pays de l'Union européenne. Et il n'est pas interdit d'associer des pays tiers (comme la Norvège, le Canada, les Etats-Unis, la Suisse...). C'est déjà le cas dans plusieurs autres missions ou opérations civiles / militaires de l'UE.

Objectif : remontée d'information

L'objectif d'une telle mission d'observation est de permettre de stabiliser la situation. Mais son impact est multiple (*). Il assure une présence sur place — ce qui a un effet déjà dissuasif sur d'éventuels fauteurs de trouble — et manifeste aussi concrètement une solidarité européenne. Il permet de mettre en place des mécanismes facilitant le dialogue, sur place, avec des intermédiaires "neutres" entre des communautés qui peuvent avoir des difficultés à dialogueur directement. Enfin, il permet d'assurer - en temps quasi-réel - la remontée d'informations à la fois vers Bruxelles et le gouvernement concerné (Kiev) et de l'analyser. Ce qui permet ainsi de tordre le coup à certaines fausses informations, rumeurs ou autres qui, souvent, enveniment, sur place, la situation. En Géorgie, les communiqués des observateurs européens EUMM donnent le "la" et sont traités par les différents observateurs et médias comme "L'" information, car réputés plus objectifs que les informations de Tbilissi ou des gouvernements locaux d'Ossétie ou d'Abkhazie. Ce qui a contribué également à la diminution des tensions.

(mis à jour) Les diverses objections russes soulevées à une nouvelle réunion de l'OSCE, à Vienne, mercredi (troisième réunion de la semaine), confirment notre première analyse. La Russie souhaitait que la mission d'observation ait bien un objectif large : "toute l'Ukraine". Ce point a été éclairci, en apportant à plusieurs points du textes, certaines précisions du type "à travers l'Ukraine", "sans discrimination ni exclusion", etc. Mais, apparemment, la délégation russe a demandé des éclaircissements supplémentaires. Au point que le délégué américain a, un peu, perdu patience. « Il a été répondu clairement à (votre) demande. Il n'y a aucune excuse pour ne pas aller de l'avant. »

(MAJ - 21 mars) Cette question pourrait devenir plus d'actualité. Les Européens se sont fixés « quelques jours » pour obtenir un accord sur la mission de l'OSCE. « A défaut il y aura une mission déployée sous l'égide de l'Union européenne » ont confirmé la chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, François Hollande, comme le président du Conseil de l'Union européenne, Herman Van Rompuy.

(*) Une mission comme EUMM Georgia a d'ailleurs pour objectif « de surveiller, analyser et rendre compte de la situation ayant trait au processus de stabilisation ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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