Quand la France décroche de l’Allemagne
(Archives B2) Si vous voulez mettre en pétard un diplomate français, un Chirac, ou un Jospin, essayez le mot « décrochage ». Normalement l’effet est immédiat et l’homme voit rouge. Explications.
A Bruxelles, chaque pays pays vote avec un nombre de voix qui lui attribué (10 jusqu’ici pour la France 28, 30 ou 32 demain), selon un savant équilibre d’importance géopolitique et démographique, fixé une bonne fois pour toutes dans les traités européens, la pondération. Naturellement, chacun souhaite un maximum de voix, s’arcqueboutant généralement sur un meilleur équilibre entre sa représentation en voix au conseil des ministres et sa population. Ce qu’en jargon européen, on nomme décrochage, a provoqué quelques belles empoignades à Nice.
Que la Pologne ne reçoive pas les mêmes voix que l’Espagne, et ses représentants, présents en coulisse, soutenus en l’occurrence par les Allemands, hurlent à la discrimination. Que la Belgique, séparée de 5 millions des Pays-Bas, soit distancée d’une voix par ses voisins bataves, et les rancoeurs éclatent… contre ces lâcheurs Français. « Pourquoi dans ce cas, avec 23 millions d’habitants de moins que les Allemands, la France aurait le même poids au Conseil », souligne-t-on du coté belge ?
Pierre Moscovici et Hubert Védrine, lors d’une conférence de presse, n’ont pas osé avouer ce revirement. Mais en fait, la France a bel et bien décroché de l’Allemagne. De façon déguisée. Au Parlement européen tout d’abord, les Français pourraient perdre aux élections de 2004 une quinzaine de députés (sur 87 actuellement). Au conseil des Ministres ensuite, si l’Allemagne et la France garderaient le même nombre de voix, un « filet démographique » fait son apparition. Une décision ne pourrait alors être adoptée si elle ne recueille pas un certain nombre de pourcentage en population (62 % par exemple). Autrement dit un décrochage bien réel.
Nicolas Gros-Verheyde (paru dans France-Soir, décembre 2000)