Un journaliste russe critique tué à Kiev ? (V2)
(B2) Arkady Babchenko, un journaliste russe bien connu, « a été assassiné devant son domicile, à Kiev (Ukraine), mardi (29 mai) ». L’annonce avait été faite par toutes les associations de journalistes et suscité nombre de réactions. En fait, il n’en est rien. Le journaliste est bien vivant (lire notre mise à jour)
Abattu dans le dos
Babchenko a été abattu dans le dos à l’entrée de sa maison de Kiev par un assaillant ou des assaillants inconnus, selon le journal indépendant Novaya Gazeta, basé à Moscou, où il avait travaillé jusqu’en 2011 comme correspondant de guerre. « Sa femme l’a trouvé couvert de sang et a appelé une ambulance, mais Babchenko est mort de ses blessures sur le chemin de l’hôpital », rapporte le journal, selon le comité de protection des journalistes (CPJ). Il travaillait depuis octobre 2017 à Kiev sur la chaîne tatare de Crimée ATR, avec son émission « Prime: Babchenko ».
Un spécialiste des conflits
Agé de 41 ans, Babchenko est un vétéran de la première Guerre Tchétchène. Après être démobilisé, il s’était spécialisé dans la couverture des conflits. Il a couvert notamment la guerre russo-géorgienne de 2008, l’Ossétie du Sud et les violences interethniques de 2010 dans le sud du Kirghizistan pour Novaya Gazeta et d’autres publications. C’était « un critique acerbe de l’annexion de la Crimée par la Russie et de son intervention dans l’est de l’Ukraine, selon des articles de presse », rappelle le comité de protection des journalistes. « Il avait quitté la Russie, se réfugiant à Prague en février 2017 après avoir reçu des menaces, puis avait déménagé en Ukraine en août avec sa famille. »
Kiev, ville dangereuse pour les journalistes ?
C’est au moins le second journaliste connu à être assassiné en Ukraine en deux ans. Pavel Sheremet avait été tué à Kiev il y a peu moins de deux ans, le 20 juillet 2016, lorsqu’un engin explosif s’est déclenché sous la voiture qu’il conduisait. Personne n’avait été reconnu coupable du crime.
Une énorme perte pour la connaissance de la Russie
Un assassinat condamné « avec vigueur » par Harlem Désir, le représentant pour la liberté des médias de l’OSCE, qui a appelé à « une enquête rapide et complète ». Arkady Babchenko « était un des plus grands journalistes ukrainiens, publié chez Gallimard pour ses récits de Tchétchénie, au moins comparables à ceux de Anna Politkovskaia. [C’est] une énorme perte » a souligné Stéphane Siohan, correspondant à Kiev pour le Figaro, le Temps et le Soir.
#Russie #Ukraine Arkady Babchenko, qui vient d’être assassiné à Kiev, était un des plus grands journalistes ukrainiens, publié chez Gallimard pour ses récits de Tchétchénie, au moins comparables à ceux de Anna Politkovskaia. Une énorme perte. pic.twitter.com/LRwRzKJpOe
— Stéphane Siohan (@stefsiohan) 29 mai 2018
Une attaque contre la liberté de la presse
« Babchenko était bien connu pour son journalisme critique, et les autorités doivent considérer son meurtre comme une attaque contre la liberté de la presse », a précisé Nina Ognianova, coordinatrice du CPJ Europe et Asie centrale, appelant, elle aussi, « les autorités ukrainiennes à enquêter de manière approfondie, efficace et indépendante sur l’assassinat d’Arkady Babchenko et à trouver tous les responsables de ce crime brutal et silencieux ».
(Nicolas Gros-Verheyde)