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L’Iran reconnait sa responsabilité dans le crash du Boeing 737 d’Ukrainian Airlines. Une erreur de la défense aérienne

(B2) Dans un acte de contrition (plutôt rare), l'Iran a reconnu, samedi (11 janvier), au petit matin, avoir abattu par erreur le Boeing d'Ukrainian Airlines. Une erreur assumée jusqu'au plus haut niveau de l'État (Hassan Rohani) et par l'état-major des armées

La veille, le Premier ministre canadien avait officiellement mis en cause un tir de missile sol-air iranien (lire : Le crash du vol PS752 d’Ukrainian Airlines dû à un missile sol-air iranien (Trudeau). La réponse n'a pas tardé. Ce qu'on appelle la 'diplomatie du crash' joue pleinement.

Le président Hassan Rohani reconnait la responsabilité intégrale de la république islamique d'Iran dans le crash (crédit photo : présidence iranienne)

Une erreur humaine des forces iraniennes

Une enquête interne « des forces armées », amène à une conclusion : c'est une « erreur humaine », qui a conduit au « désastre » dans un « moment de crise », reconnait le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, dans un court message publié à 7h35 de Téhéran (5h05 Paris).

Et d'adresser « nos profonds regrets, nos excuses et nos condoléances à notre peuple, aux familles de toutes les victimes et aux autres nations touchées. »

Mais le ministre iranien des Affaires étrangères met aussi en cause « l'aventurisme américain [qui] a conduit au désastre ».

Une erreur impardonnable, les fautifs seront poursuivis

Propos confirmé par Hassan Rohani. C'est une erreur « impardonnable » affirme le président iranien. « Les responsables » de cet « horrible accident [qui] a causé la mort de 176 personnes innocentes [...] seront poursuivis » annonce-t-il dans un communiqué publié sur le site de la présidence. Il annonce également une coopération consulaire avec les pays concernés (NB : ce qu'avait demandé le Canada notamment et les pays d'origine des victimes). « Le ministère des Affaires étrangères coopérera pleinement avec les services consulaires pour identifier les corps des victimes et les restituer à leurs familles. »

Un message très diplomatique

On peut remarquer que la déclaration du président a été traduite dans plusieurs langues, par l'agence Irna. Quant au message de condoléance, il est adressé au nom de la République islamique « aux nations, aux gouvernements et aux familles des victimes non iraniennes ». Le tweet de la présidence est 'épinglé' (mis en avant) sur le profil twitter de Hassan Rohani.

Une erreur assumée par l'état-major des armées

L'état-major des forces armées iraniennes a publié une déclaration qui explicite l'enchaînement des faits, déclaration reproduite et traduite par l'agence iranienne Irna. Ce qui est pour le moins exceptionnel, d'autant qu'il met en cause indirectement les 'Gardiens de la révolution'.

Un tir de la DCA iranienne

Le contexte était tendu selon eux. « Quelques heures après la frappe de missiles iraniens, les avions de guerre appartenant aux forces terroristes américaines ont multiplié les vols dans l'espace aérien entourant l'Iran, des informations annonçant des cibles volantes se dirigeant vers les sites sensibles de défense iraniennes. De plus, de nombreux cas ont été observés sur des écrans radar, ce qui a exigé une plus grande vigilance et un état d’alerte maximale de la part des unités de défense des forces aériennes iraniennes (DCA). »

La crainte d'une attaque contre une base des Gardiens de la révolution

« Dans une situation ultra sensible et critique, le vol 752 d'Ukrain[ian] Airlines, qui avait décollé de l'aéroport international Imam Khomeini, s'est déplacé tout près d'un site militaire sensible appartenant aux forces du CGRI [NDLR : Corps des Gardiens de la Révolution]. L'altitude et la position du vol ont été perçues comme l'action d’un ennemi, provoquant involontairement la réaction de la DCA par un tir ; cette erreur humaine a malheureusement causé la mort en martyre d'un certain nombre de ressortissants iraniens et étrangers. »

L'état-major assume la faute

Après avoir présenté « ses condoléances les plus sincères aux familles et proches des victimes et aussi ses excuses pour la grave erreur humaine commise », l'État-major assure revoir son modus operandi « afin que de telles erreurs ne se reproduisent plus ». Mais surtout il précise que « les personnes ayant été à l'origine de l'incident seront immédiatement présentées à la justice ».

Analyse : Le jeu de la pression internationale, mais aussi interne

La pression internationale a joué, mais aussi la pression interne. Il ne faut pas le nier. La majeure partie des victimes se trouvent être des Iraniens, dont plusieurs avaient la double nationalité. Téhéran identifie ainsi 147 nationaux victimes, là où les Ukrainiens n'en évoquent que 82. Une différence qui s'explique par le fait que nombre de personnes, notamment Canadiens et Suédois, avaient la double nationalité. On ne peut nier aussi la volonté pour l'Iran de jouer le rôle du 'gentil' face au 'méchant' américain. La reconnaissance de la responsabilité a été plutôt rapide, si on se réfère à quelques cas similaires ou analogues mémorables (lire : Vol PS752 d'Ukrainian Airlines. Une reconnaissance de responsabilité rapide).

Une 'diplomatie du crash'

Se met ainsi en place ce qu'on peut appeler une 'diplomatie du crash' qu'on a déjà connu dans le passé. Le message du président Rouhani est adressé non seulement aux familles, mais aussi aux gouvernements. C'est-à-dire à l'Ukraine et à la Suède, mais aussi au Canada et au Royaume-Uni, deux pays membres de l'OTAN et très proches des États-Unis, honnis par le régime islamique. On pourrait presque ainsi parler d'une volonté de main tendue de l'Iran envers les pays occidentaux. Signe d'une décrispation certaine, mais aussi de la volonté d'enfoncer 'un coin' entre les Alliés ?

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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